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Retour de la French touch ?

Évidemment que non : à chaque époque sa patte sonore et graphique. Voire son étiquette. Avouons malgré tout que les signes sont troublants. Il y a 20 ans, la house « à la mode de chez nous » faisait danser le monde entier, lavant les échecs de nos chansonniers à s’imposer à l’étranger ou gagner l’Eurovision. Or, la nouvelle génération squatte de nouveau les festivals et a (enfin) de quoi prétendre à la relève. Assez pour voir ressortir du bois les gardiens du temple…


La French touch, c’est avant tout l’histoire d’un orgueil national retrouvé. Celui d’une exception culturelle qui dépasse les seules frontières de notre cinéma hexagonal. Une revanche internationale face à l’hégémonie pop des anglo-saxons. La fierté d’être à nouveau maître d’un domaine. En l’occurrence : les dancefloors des années 90. Mais c’est également un poids écrasant, sorte d’épée de Damoclès omniprésente que l’on raconte au coin du feu pour terroriser les enfants. Comme le symbole d’une époque, un summum inatteignable dont la conjoncture spontanée et l’unanimité rappellent la nostalgie post-Coupe du Monde 98.

Et dire que tout a commencé avec Margaret Thatcher… La Première ministre anglaise fait, en effet, interdire en 1988 les raves party. Ces rassemblements électro, le plus souvent en plein nature ou dans des lieux désaffectés, s’exportent alors en France à l’heure où Mylène Farmer et Jean-Jacques Goldman squattent le haut du Top 50. Influencé par ce nouveau « débarquement », Laurent Garnier est l’un des premiers à mixer classiques techno/house de Chicago et Détroit à Paris. Le succès, immédiat, l’incite à monter en 1994 le label F Communication quelques années après la création de Rave Age Records, pionnier des labels électro français.

Pourquoi une telle adhésion ? La génération X, celle qui a vécu la fin de la Guerre froide et les débuts utopiques d’Internet, est souvent décrite comme une jeunesse désenchantée ou manquant d’idéaux. Les musiciens et passionnés de musiques électroniques y voient au contraire un passeport vers l’euphorie. Comprendre : s’il n’y a rien pour nous ici et que demain est pire qu’aujourd’hui, jouons alors les cigales plutôt que les fourmis…

Rapidement la presse britannique encense ces nouveaux petits princes de cette house aux accents disco-funk. Parmi eux : Air, Alan Braxe, Alex Gopher, Benjamin Diamond, Bob Sinclar, Cassius, Demon, Dimitri from Paris, Etienne de Crécy, Grand Popo Football Club, I :Cube, Kid Loco, La Funk Mob, Laurent Garnier donc, Modjo, Motorbass, Mr. Oizo, Shazz, Snooze, Stardust, St Germain, The Micronauts, The Supermen Lovers ou encore les Daft Punk. Des artistes qui n’hésitent pas à renforcer leurs liens avec des graphistes (M/MMister Learn, Geneviève Gauckler, Alex Courtès, Agnès Dahan, La Shampouineuse…) ou des réalisateurs (H5, Michel Gondry, Spike Jonze…), liant ainsi l’originalité de leur son à un nouvel esthétisme qui participe à leur renommée.

Le coup de grâce de la French touch est donné au début des années 2000. Les productions se sont en effet essoufflées à force d’en creuser le filon. De plus, une scène alternative – plus militante et underground, plus hardcore également – s’est créée. Le public plébiscite alors cette variation jugée plus « puriste », voire moins « commerciale ».

Pourtant, 10 ans après l’explosion des grands frères du mouvement, une nouvelle génération éclot, menée en partie par les labels parisiens Ed Banger (Busy P, ex-manager des Daft Punk) et Institubes. On y trouve notamment Agoria, Breakbot, C2C, Fred Falke, Gesaffelstein, Justice, Kavinsky, Lifelike, M83, SebastiAn et Vitalic. Et quelques graphistes, comme SoMe, Division Paris, Megaforce, pour emballer le tout. Résultat : re-succès de l’électro française à l’export, avant un nouveau passage à vide.

Quelques années plus tard, l’affaire revient pourtant comme un boomerang, réveillant une scène française à la gueule de bois et la défaite mal digérée. Bien qu’ils ne se revendiquent pas du courant, une troisième vague électro squatte en effet les principaux festivals français et étrangers. Pire : Renault utilise même le terme dans ses publicités… Alors, hasard ou réelle spécificité hexagonale ? Quoi qu’il en soit, l’électro française est belle et bien de retour.

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