THEO LAWRENCE & THE HEARTS - Road trip (1/4)
Juste avant l’enregistrement de son premier album, le jeune chanteur franco-canadien de soul/rhythm’n’blues est parti fouler la terre des pionniers de la black music. Histoire de prendre la température (moite) de Nashville, Memphis et de New Orleans... Plus qu’un road trip : une quête d’authenticité avec son lot d’invités.
À tout voyage, il y a un départ… Un croissement d’influences et d’affluences qui ne puise pas ici sa source dans le seul Mississipi, mais bien dans un faisceau cumulé d’apprentissages. Car si Theo Lawrence est bien originaire de la banlieue sud, sa voix à grain, ses cheveux gominés et autres mélodies tamisées trahissent celle de l’Amérique en marge plutôt que la périphérie parisienne où il réside. Avec cette maturité bluffante. Envieuse. De quoi l’inscrire dans une temporalité musicale qui tromperait toute analyse au carbone 14. Preuve, également, que ces pionniers, dont il a digéré les leçons, ont su créer des hymnes universels.
Le lien entre soul, blues, gospel et rock’n’roll de ses morceaux est pourtant peu évident au vu des origines canadiennes de sa famille maternelle. Conséquence de la dématérialisation de la musique : si celle-ci n’a plus d’âge ni de frontière, comment pourrait-il en être autrement de la culture ? Depuis ses 11 ans, Theo a « toujours été dans un groupe de musique ». Déjà la moitié d’une vie pour un type qui cumule les 22 au compteur et dont l’érudition impose le respect... Oh, bien sûr, l’ancien ado a connu sa phase psychédélique (« Idéal pour des paroles hasardeuses en anglais »), puis une pause prolongée dans le punk. Anglais tout d’abord, puis américain avec la trilogie Ramones, Richard Hell et Suicide. Mais rien n’y fait : lorsque l’on est fâché contre rien, l’écriture ne peut en être affectée.
Il n’empêche que la tentation de taper directement à l’essentiel fait son chemin et le futur artiste part en quête de musiques rognées jusqu’à l’os... À 15 ans, Theo vit ainsi son épiphanie avec les bluesmen Tommy Johnson, Howlin’ Wolf ou encore Bo Diddley. « J’ai été marqué par cette vibration, l’absence d’orchestration électrique et cette dimension primitive qui faisait abstraction de toute virtuosité démonstrative. Directement à l’essentiel. Une sorte de punk, oui, mais sans approche nihiliste ou anarchiste : une matière sensible. » Cette douleur de la terre fait-elle d’autant plus écho avec les racines amérindiennes de sa grand-mère ? On ne saurait dire. Il n’empêche que le jeu de dominos n’est pas dur à imaginer : « Ce n’est pas tant un style en particulier qui m’a fasciné, mais le sud-est américain dans son ensemble : la musique sudiste avec son mélange de communautés (irlandaise, etc.), celle des Appalaches, les ensemble de cordes country… N’ayant pas de banjo, j’essayais même d’imiter les dissonances de l’instrument pour comprendre cette ruralité dans les arrangements. »
Aujourd’hui, l’artiste affirme s’être réconcilié avec ses anciens amours (Jefferson Airplane, Gratefull Dead…), lui qui était directement passé des Rolling Stones aux artistes de Chess records (Muddy Waters, Chuck Berry…). Conscient que la vision américaine des papys british reste – comme lui – une réinterprétation étrangère et fantasmée du folklore US. Ou qu’il est permis de ponts rouillés entre les âges, à l’image des White Stripes, dont il reconnaît une influence plus éthique que musicale. Qui mieux alors que se rendre dans la ville du chanteur Jack White pour voir si le grand écart reste possible ?