HOCUS POCUS au Bataclan ? Abracadabrantesques
Dissous depuis presque 10 ans, le groupe de hip-hop nantais – nommé aux Victoires de la musique en 2008 – remettait le couvert, pour de rire, le temps de quelques dates… De quoi prouver, malgré eux, l’état de manque et leur nécessité criante dans le paysage français.
1er décembre. Aucune promesse. C’était l’annonce d’Hocus Pocus... Seule la volonté de refaire un tour de piste éphémère, histoire de. Il est vrai que la 1re prestation, à l’occasion de l’exposition Rock ! Une histoire nantaise où la troupe avait été invitée en qualité de témoins des 00s, avait donné quelques envies... Celle du public, évidemment. Mais aussi un « pourquoi pas » de l'équipe, partante pour un décrassage plutôt qu’une réelle reformation.
Car jusque-là, HP avait surtout multiplié les petits cailloux en diluant son geste collectif dans de multiples projets, dessinant une constellation artistique plutôt rafraîchissante : 20syl et DJ Greem du côté de C2C ; 20syl avec Mr. J. Medeiros au sein d’AllttA ; Ledeunff avec Jackson Reed, Aymeric Maini ou Asa… Bref. Assez pour fantasmer un jour le retour de la dream team au sein de la maison-mère.
En l’absence de pression, rien ne pouvait donc présumer ce que donnerait ce concert parisien, réalisé dans le cadre de la soirée Secours pop’ Rocks !. Pas plus que l’euphorie n’était palpable sur le goudron humide du trottoir extérieur. Si, certes, la file d’attente s’y dégobille jusqu’au coin de la rue, les longs contrôles de sécurité (passif oblige) de la salle peuvent toutefois l’expliquer...
Dans un froid mordant les chairs, le public quarantenaire évoque filiales, clients de l’agence et week-end à l’étranger. Et à voir les bouteilles de bière consommées – consciencieusement jetées dans sa poubelle jaune –, la faune environnante déroge définitivement au cliché.
Mais loin de jeter un froid, cette attente eu finalement un effet inversé… La chaleur des cuivres et du chauffage saisit au vol dès le premier pied posé dans un Bataclan fraîchement relooké. Belle leçon aux fans de claviers : il n’y a pas à tortiller, quatre cuivres ça vous dépote une sacrée densité ! Et le taulier fil-de-fer en donne à retordre, enchaînant les flows techniques avec son éternelle attitude relâchée. Pas de doute, côté troupe, la mémoire du corps a repris le dessus.
Même les apartés sont autorisés : chaises musicales aux platines entre 20syl et DJ Greem (tous deux quadruple champion du monde DMC), solos à tour de rôle (basse, batterie, orgue…), battle guitare/scratchs, overdubs de beatbox… C’est nous qui n’étions pas prêts ! Le reste se confond en une succession de souvenirs fugaces, dissous dans l’exultation : le single “Petit pays“ amputé de son couplet au profit d’un ragga quasi acoustique ou encore ce featuring avec MR. J. Medeiros au cœur de la foule… qui finit à genoux (autant physiquement que métaphoriquement). Rien que ça.
Pas « d’enjeux » qu’ils disaient ? Bigre. Qu’est-ce que ce serait s’il y en avait ! La communion est palpable. L’émotion communicative. Et la leçon en virtuosité absolument implacable, ramenant le hip-hop à son berceau d’origine : au carrefour du jazz et de la soul, à ses influences ethniques métissées, son érudition souvent oubliée (samples de Grandmaster Flash, The Sugarhill Gang…), à son premier slogan fédérateur « We are : peace, unity, love (and having fun) » scandé en c(h)œur…
Quelle forme ! Quelle passion ! Quelle frustration de pouvoir, le temps d’une soirée, à peine toucher du doigt l’un des meilleurs groupes du genre, association parfaite de la musique newyorkaise et de notre exigence de texte... Quelle hérésie, surtout, de nous laisser orphelins une nouvelle fois ! Car ce n’est pas seulement un retour aux racines qui se joue là ou une simple nostalgie, c’est une profession de foi : celle qui voudrait que tous les lives hip-hop sonnent comme ça.
Merci <3
Dernière date : festival Les Rockeurs ont du cœur
Samedi 14 décembre (Stereolux – Nantes)