MaMA Event festival & convention 2022 : interview
L’industrie musicale – aussi – fait sa rentrée ! Et c’est notamment devant plus d’une centaine de conférences et projets artistiques émergents du MaMA music & convention (12-14 oct.) qu’elle s’interrogera sur son avenir. Aperçu avec son directeur, Fernando Ladeiro-Marquès.
Que retenir de la saison estivale ?
Le retour des festivals ! Avec une perte cependant de repères : certains affichant complets quand l’équilibre financier d’autres – pourtant installés – ont été remis en cause… Nous ne sommes pourtant plus dans un contexte post-Covid, pendant lequel le public restait craintif… Or, l’été 2022 a démontré qu’il n’existait aucune règle, qu’importe l’ancienneté ou – hélas – actions développées.
Quels axes de réflexion restent-il donc ?
Il faut analyser chaque événement par rapport à son territoire. Puis, de s’interroger sur le fait d’avoir peut-être créé une offre surdimensionnée (notamment en raison des reports), car les budgets familiaux et/ou publics ne sont pas extensibles. Enfin, sur comment lutter contre les pertes d’habitude des 18-20 ans, biberonnés aux plateformes vidéo… Pourtant, à l’image du V and B Fest’ ou du Rose festival cette année, de nouveaux acteurs importants continuent de se créer… et de s’imposer.
Certains ont d’ailleurs fait le choix d’accentuer la sectorisation VIP/festivalier…
Un positionnement plus anglais/américain qu’européen (bien que nous le pratiquons sans mal en jauges assise). Peut-être est-ce notre avenir ? Il paraît normal que ceux qui paient plus aient le droit à des services ou aménagements supplémentaires… Si ceux-ci ne se font pas au détriment des autres ou que le « carré d’or » – cet espace réservé à cette catégorie – soit plein (ce serait aussi gênant pour le public que pour les artistes). Tout est donc dans la mesure… Le festival de Woodstock 99 a bien montré la limite du cynisme financier : elle peut provoquer une colère dévastatrice. Les événements ont donc un rôle à jouer dans le seuil psychologique des prix des boissons/repas/places. Et les comparaisons devraient aussi se faire sur ces points.
Le secteur musical étant le reflet de la société, quels sont les nouveaux défis ?
Celui du recrutement ! À l’image des secteurs de l’hôtellerie ou de la restauration, la musique a vu disparaître 20 à 25% de ses techniciens, conséquence d’un recentrage sur soi postpandémie, de l’explosion du mètre carré, mais aussi de la perte d’attractivité (financière ou par nature) de certains domaines. Le tout s’accumulant aux burnouts des bookers en début d’année…
Le streaming reste-t-il aussi un enjeu ?
C’est même une préoccupation majeure… Certains festivals se sont faits rachetés par des sociétés américaines qui s’en octroient les images, afin de ne les diffuser que sur leurs plateformes... Se pose donc la question du droit d’informer, de la rétribution de ces images, voire de la future saturation du public si celles-ci n’apportent pas un œil neuf et/ou plus complet. Vous savez, on a souvent considéré le numérique comme la seule marge de croissance du secteur, palliant la baisse des ventes d’albums physique. Nous-mêmes avons souvent été la vitrine de technologies innovantes ! Cela n’empêche pas de réfléchir aux nouvelles possibilités (multivers, ressources provenant des jeux vidéo…) en veillant si l’investissement est à hauteur et comment le rendre accessible.
Concernant la place de la femme, est-ce qu’il y a eu des avancées ?
S’il manque des données précises, on constate une explosion des formations et des dénonciations. Explosion qui n’est pas due à une augmentation des cas, mais bien à une libération de la parole – et il faut s’en féliciter... Nous entrons, je l’espère (et sur plusieurs sujets) dans une ère de la responsabilisation.
La France reste-t-elle une « exception culturelle » ?
Nous conservons toujours une image culturelle très positive dans le monde. Pourtant, nous avons les mêmes problèmes que d’autres territoires et nos festivals ne sont pas plus différents ! Notre force reste cependant, à l’image des contrastes de nos paysages, une diversité dont nous n’avons pas toujours conscience… Et une inventivité – comme la scène belge – assez unique en Europe ! (la pandémie a d’ailleurs eu le mérite de mettre davantage à l’honneur nos groupes nationaux).
Quelles autres scènes sont à surveiller ?
Les jeunes artistes portugais et espagnols qui, grâce au métissage de ses anciennes colonies, arrivent à créer des scènes endémiques pouvant plaire à l’international… Côté public, le nouvel appétit de l’Amérique latine pour nos productions rappelle celui du Japon... Quant à l’Angleterre, si leur départ de l’Europe rend complexe la logistique et accentue les prix, rassurez-vous : nous pourrons difficilement nous passer d’eux…