Moriarty : « Nous fonctionnons par contradiction »
Sorte de carnet de voyage de l’Amérique traditionnelle, le groupe et sa chanteuse Rosemary Standley cultive un folklore rural et intemporel. Cette révélation du Printemps de Bourges 2006 bénéficie actuellement des faveurs de la scène indie et en profite pour imposer son esthétisme désuet. Rencontre avec le groupe Moriarty, auteur du single "Jimmy".
S’il subsiste autant de mystère autour du groupe, c’est volontaire. « Chacun des membres a vécu plusieurs vies et cultive le mythe pour ne parler que musique. » Ils sont comme ces peintres qui brûlent leurs toiles : « ne jamais regarder derrière soi mais puiser dans ses expériences pour avancer. » Le nom Moriarty leur évoquait au début « le côté nomade de Dean », le personnage du livre de Kerouac. Rien de plus normal pour des fils d’immigrés communistes, vietnamiens ou de nationalité américaine, suisse et française. Mais l’abondance de « significations est ensuite devenue une raison en elle-même. »
Il existe un esthétisme indéniable dans l’œuvre de Moriarty que le groupe n’explique que par son côté rationalisé. « Une zone où les influences se rencontrent, un no man’s land où converge plusieurs frontières comme à Bâle ou dans l’Ohio. Et puis, nous essayons vraiment d’incarner nos histoires et nos personnages », répondent-ils d’une seule voix. Ainsi, aucun des Moriarty ne peut prévoir la direction des morceaux, « fonctionnant par contradiction » et essayant chacun de « tirer sa barque vers la rive qui l’intéresse. » Quant au single « Jimmy », l’histoire d’un bison, sorte de comptine enfantine réinterprétée pour adultes, il s’agit de « la première chanson que le groupe a jouée ensemble il y a 10 ans. » Une chanson parmi la quarantaine d’inédits qu’il reste dans les cartons.
Le buzz ? Le groupe ne le ressent pas, à l’exception d’une date à la Maroquinerie où le public reprenait en chœur les chansons. Une seule chose est sûre : « quelqu’un tente sans succès de nous rentrer sur Wikipédia ». Car pour l’instant, Moriarty était plus habitué « au buzz de l’ampli » de leur local de répétition, une cave dont la voisine a été retrouvée morte dans sa baignoire 3 semaines plus tard.
Puis, vient la rencontre avec la compagnie Jérôme Deschamps & Macha Makeïff (Cie Deschiens) grâce à « la bande originale réalisée pour la pièce de théâtre de leur fille. C’est ici qu’est issu la tête empaillée présente sur scène, un cadeau de Macha. Depuis, nous sommes co-produits par eux et non montés comme nous avons pu le lire sur Internet. Nous étions venus jouer deux fois ici, puis finalement on s’est incrusté. Mais ce n’était pas vraiment des concerts. Nous étions en acoustique, de manière informelle, avec une grande natte africaine et un micro taxi. » Une configuration qu’ils renouvellent de temps en temps en première partie comme le démontre le concert parisien d’AaRON.
Prochaine étape : le Canada. Une halte qui devrait s’avérer facile tant leur musique comporte « une dimension outre-atlantique », avec pour même leitmotiv : « se mettre en danger et se dépouiller de tout artifice. » Car avoir plusieurs publics de nationalités différentes, notamment américain, n’est pas un handicap ou une prétention en soi. Bien contraire… Pour le groupe, « il existe de nombreuses références françaises dans la musique traditionnelle américaine comme le cajun. Dans les Appalaches, on trouve de l’écossais ou de l’anglais. Et comme ce sont des régions retirées, certaines chansons paraissent parfois plus authentiques que celles de leur lieu d’origine. Il est donc absurde de rejeter la musique anglo-saxonne. Les États-Unis ont besoin de notre musique et nous nous nourrissons de la leur. » Avec cet album, la boucle est bouclée.
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