Zentaï : l’exhibitionnisme anonyme
Au rayon des excentricités nipponnes, il existe un nouveau venu. Du Hentaï (dessin japonais érotique) où les personnages zozotent ? Non ! Après les courses de Pony Girls (femmes poney), Doll Story et ses poupées ultra réalistes, le fétichisme du nylon ou des poupées « femmes-tronc », les Japonais nous font le coup du justaucorps intégral. Ambiance Blue Men Group Vs gymnastes fluos.
Contraction de zeinshin taitsu, le Zentaï est une pratique gentiment BDSM (bondage, discipline, soumission, sado/masochisme) entre le déguisement du cosplay et la personne objet. Les participants y utilisent une combinaison - la plupart du temps en élasthanne - dont la cagoule est fermée. Rien d’inhabituel jusque là dans le monde des effets spéciaux, des marionnettes ou de la danse académique. Mais c’était sans compter sur les fétichistes japonais qui décidèrent d’intégrer ces vêtements moulants et ces visages sans expression dans leurs préliminaires.
Ici, pas de pénétration, ni de personnalisation du fantasme. Il est difficile de deviner l’identité de l’autre, même si certains peuvent laisser libres les yeux, la bouche, les mains ou les pieds. Chacun part à la (re)découverte de l'autre. L’anonymat y côtoie un semblant d’humanité. Les formes sont exacerbées et seul le corps devient le centre d’attention. On se frotte. On touche. On caresse cette seconde peau qui décuple la sensation du toucher. Et loin de ne s'arrêter qu'aux matières, l’environnement même peut participer à l’érotisation. Certaines tenues sont fluos et intégrales, donnant à l’ambiance des airs de réunion Tupperware pour fan de masturbation en lycra ou spandex dans un décor du film « Tron ». D’autres portent des vêtements pour simuler la vie réelle dans un esprit se rapprochant de la maison de poupées grandeur nature.
Mais bien qu’intrigant, le Zentaï apparaît comme une valeur sécuritaire pour ses participants. C’est l’action de livrer son corps sans dévoiler son âme. Se soumettre à l’approbation de chacun, sans aucun a priori familier ou identitaire. Car certains profitent justement de l’occasion pour changer de sexe, s’attribuant de faux seins ou des courbes supplémentaires. Un jeu de rôles qui rappelle certains Internautes prenant un pseudo issu du sexe opposé. Car effacer son identité permet d’oser davantage et d’oublier à la fois sa morale, son statut ou son passé.
Et, il y a bien sûr une part de latence non négligeable dans le Zentaï. Une frustration volontairement domestiquée, contraignant majoritairement l’exercice au refus d'un acte sexuel complet. C’est donc tout autant une redécouverte sensorielle qu’une pratique érotique atypique. Le Zentaï est en tout cas tellement à la mode, de part sa dimension esthétique et son nombre d’adhérents en hausse, qu’il en a dépassé le simple stade des soirées coquines. En effet, c’est au tour de la vidéaste hollandaise Joanneke Meester de l’intégrer à l’Art. Ou au groupe anglais Muse d’en faire l’étendard de son clip « Supermassive Black Hole »... Une preuve de plus, phénomène classique de récupération, du buzz universel dont bénéficie la pratique.
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