Publié par Cinextenso

Qu’elles soient positives ou non, les premières fois ont toutes en commun une dimension indélébile, sorte de passage initiatique à l’âge adulte où la fierté du groupe rencontre la timidité introspective. Le film, par sa douce transgression et son action en suspension, a fait de sa sincérité l’une des plus belles surprises de l’été 2007.

 

Le sujet de Céline Sciamma offre un deuxième regard sur la sexualité des teenagers, peu après le « Et toi t'es sur qui ? » de Lola Doillon. Initialement prévu pour n’être qu’un projet de fin d’études à la Fémis, c’est le réalisateur Xavier Beauvois (« Le Petit Lieutenant ») qui conseille finalement à Céline Sciamma de porter le scénario sur grand écran. Un bienfait car le film sera par la suite présenté à Cannes en 2007 dans la section Un Certain Regard et nominé 3 fois aux Césars. L’idée initiale repose sur les propres désirs confus de la réalisatrice, mêlés à l’imagerie kitch, nostalgique et féminine de la natation synchronisée. Trois amies adolescentes de 15 ans, Marie, Anne et Floriane vont toutes, chacune à leur manière, être en proie à l’initiation sexuelle. Chroniques d’une première fois inoubliable, le temps d’un été, où s’affrontent le regard de l’autre, l’insouciance et la découverte de son corps.

Contexte
Le film s’inscrit dans un sentiment constant d’intemporalité : absence de technologies contemporaine, de références datées ou de mode vestimentaire. Si quelques rares adultes apparaissent, les parents, eux, n’ont pas leur place ici. Ces adolescentes semblent ainsi livrées à elles-mêmes, illustrant au mieux le microcosme solitaire dans lequel navigue cette tranche d’âge. Cergy (Val d’Oise) sert également la langueur ambiante par sa juxtaposition de structures architecturales. Partant de ce fait, la piscine s’impose par son espace ouvert et esthétique, autant que ses sons étouffés en font un huit clos psychologique. Car, plus que jamais ici, le lieu fait office de métaphore parfaite du dévoilement et de l’exultation des corps, de l’introspection personnelle et de la moiteur des désirs.


Contenu
« Naissance des Pieuvres » impressionne par son condensé d’émotions, laissant une grande importance aux silences. La justesse de l’interprétation taillade les sobres plans de plafonds et les rêveries aquatiques. Dans les regards, les attitudes et les souffles, le spectateur devine sans peine les intentions des protagonistes entre l’angoisse de la norme, le soucis d’intégration, l‘affirmation et la découverte de soi. La distance imposée ne sombre jamais dans le voyeurisme facile ou l’intrusion violente, même face au saphisme. Et malgré quelques allégories, la franchise qui y domine extirpe le traitement du sujet des autres ambitions du genre. En témoigne la fraîcheur des premiers essais de Floriane et Marie présentes sur le Dvd. La musique du producteur de TTC est audacieuse, presque contemplatrice face à l’intrigue. Les tâtonnements apportent une grande crédibilité au sujet et n’autorise aucun jugement adulte. La morale amoureuse ne faisant pas loi, le non-dit dévoile plus que la parole, rendant caduc l’habituel teen movie abonné aux blagues potaches ou ses clichés mode. Un film juste, troublant et efficace qui renvoie à sa propre expérience.


Dvd

Le travail de numérisation sert ici magnifiquement le film par son approche contrastée et mesurée. L’unique piste Dolby Digital 5.1 offre une assise importante et dynamique à la bande originale. Un plus, tant les envolées électro, les respirations et les ambiances aquatiques ont leur place dans l’axe narratif. Les menus aussi prolongent l’esthétisme de l’affiche et du générique et participent de ce fait à la mise en place de l’univers visuel. Si l’on peut regretter la présence des traditionnelles bande-annonces et photographies de tournage, on prend plaisir à découvrir quelques scènes coupées et les premiers essais des comédiennes. Et c’est là tout l’intérêt de ces suppléments : on découvre peu à peu la tension et l’ambiguïté qui règnent entre les deux protagonistes, sans le moindre artifice stylistique. Même les scènes coupées laissent entrevoir les choix de la réalisatrice (suppression des signes de caractères trop évidents), préférant le soin au spectateur de se faire sa propre opinion sur les personnages. Des bonus qui préfèrent donc jouer la qualité plutôt que la qualité. Cohérent.


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