Printemps de Bourges 2008 : folk US, white gospel & punk suédois
La 32ème édition s’est clôturée après une semaine de pluie fine. Le festival a une fois encore confirmé son statut de Midem bis (Marché international de la musique) où l’arrivée en France des mondialistes Live Nation a squatté toutes les conversations. Et si les jauges restreintes réservées aux journalistes n’ont pas toujours permis une couverture médiatique optimale, Le Printemps de Bourges a accueilli 10 000 entrées de plus que l’année dernière. Petit aperçu des festivités.
Pendant que le Phoenix accueillait sa première soirée consensuelle mais obligatoire (Rose, Renan Luce, Christophe Willem), le 22 d’Auron affichait, lui, complet. Syd Matters y a confirmé son perfectionnisme entre harmonies vocales, mélancolie et final post rock. Plus en retrait, La Maison Tellier est parue moins à l’aise sur scène qu’à son habitude, distillant malgré tout un folk mariachi tout en retenu. Quant aux French Cowboy (ex-Little Rabbits), ils ont clôturé la chevauché US avec de lentes et longues montées épiques qui savent ne jamais exploser. Une sorte d’orage de chaleur dépressif, lourd et lancinant, rappelant parfois le refrain du « Little Wonder » de Bowie. Toujours aussi impeccables sur scène, on regrette toutefois que les nouvelles compositions lorgnent désormais vers le punk californien.
> Mercredi 16
La journée fut riche en révélations avec tout d’abord les déjantés Gatineau. Bien qu’affublés d’un public majoritairement préadolescent, les rappeurs québécois se sont fait remarqués par la voix téléphonée et le costume de Stewart des chœurs ou les slams sur les fauteuils et le caleçon apparent du chanteur (présent toute la semaine du festival). Une fusion rock et second degré dans le style Svinkels et à l’opposé du hip-hop classieux et anglophone des parisiens The LatitudZ. Direction ensuite le slam avec ZoB, artiste intelligent, sensible et drôle qui sait toucher à chaque tirade.
La soirée a par la suite accueillie la malingre Claire Diterzi qui ne s’est pas fait prier pour montrer sa déception quant au timing attribué. Sèche dans ses interventions, son concert révèle à l’inverse un travail onirique et audacieux autour des métissages musicaux ou de la scénographie. Chapelier Fou affiche lui une mandoline et un violon pour servir un downtempo répétitif, joyeusement bruitiste et empruntant les hors pistes sans souci d’unité. Une abondance attrayante et complexe que vient compléter l’excellent exercice plus classique du Dj - abstract hip-hop - Liléa Narrative.
La soirée a par la suite accueillie la malingre Claire Diterzi qui ne s’est pas fait prier pour montrer sa déception quant au timing attribué. Sèche dans ses interventions, son concert révèle à l’inverse un travail onirique et audacieux autour des métissages musicaux ou de la scénographie. Chapelier Fou affiche lui une mandoline et un violon pour servir un downtempo répétitif, joyeusement bruitiste et empruntant les hors pistes sans souci d’unité. Une abondance attrayante et complexe que vient compléter l’excellent exercice plus classique du Dj - abstract hip-hop - Liléa Narrative.
Malgré de belles intentions et un violon intéressant, Thomas Dutronc déçoit en début de soirée avec son humour maladroit, l’écho assourdissant du Phoenix et un répertoire qui courtise davantage la variété, faisant passer les accents tziganes pour une caution intellectuelle. Un véritable affront face aux Moriarty, monstres d’intelligence - faussement timides - et de délicatesse envoûtante pour un magnifique folk des Appalaches. Sans surprise, le trip-hop de Birdy Nam Nam - qui comporte un membre des Svinkels et un autre d’Alliance Ethnik - remporte logiquement la mise, tandis que la magnétique Phoebe Killdeer enfonce un peu plus loin le clou. Sexy et expérimentale, la chanteuse continue sa déstructuration blues-rock entre Shivaree et David Lynch.
Fujiya & Miyagi réussissent, malgré l’absence de charisme, de magnifiques envolées hypnotiques et électro-dancefloor, rapidement accompagnées par l’assistance. Be Own Your Pet et leur punk féminin trahissent leurs ambitions Riot Grrrl en s’enfermant dans une attitude juvénile et en refusant les slameurs sur scène. Dommage. Enfin, les Foals - groupe NME très attendu - ont su, malgré leur influence Klaxons sous acide et leur groove évident, faire preuve d’une arrogance anglo-saxonne peu vue depuis Gallagher. Et l’on comprend vite pourquoi.
La fratrie des Kid Bombardos a en premier lieu prouvé que le rock bordelais pouvait s’affranchir de ses aînés en empruntant davantage à l’anti-folk et aux Strokes. Les Curry and Coco n’ont pas ménagé le public avec leurs râles sauvages, leurs synthétiseurs grinçants et leurs moustaches kitch. Non loin de là résonnent la scène dub-reggae et son trio Groundation, Tiken Jah Fakoly et Israel Fondation. Attirant une foule de curieux, Sébastien Tellier n’a pas su confirmer son aura hype. Dans un sweat-shirt ample, clope à la main, un verre de champagne dans l’autre, le proxénète barbu 80’s se révèle plus efficace en BO vieillissante pour film industriel que sur scène. Catherine Ringer a, elle, impressionné pour la sobriété - compréhensible - de son interprétation. Enfin, les bootlegs de Dj Moule ont su rappeler que si Dj Zebra révolutionne le concept par ses participations en live, Moulhoud s’avère définitivement plus pointu dans ses mélanges musicaux.
Mais le clou de la soirée - et du festival - revenait logiquement à Camille. Le début du spectacle fait d’emblée penser à Björk (en raison de la cape de la chanteuse et ses sauts de cabri) ou à Emilie Simon pour ses expérimentions sonores. Mais très vite, l’impression est oubliée. Camille pousse le white gospel dans ses retranchements, utilisant à outrance les chauffes du genre, l’utilisation du corps et un esthétisme binaire (noir / orange). Pour son dernier soir, la chanteuse se révèle même être plus chaleureuse que le laissaient supposer les échos de la presse, s’autorisant pour le coup des apartés avec le public ou son groupe - dont un des membres fête son anniversaire -. Un show inédit, transgenre et universel qui dépoussière la scène française mais qui, par ses aspects délicats et son jeu avec l’obscurité (sublimé par le théâtre), laisse interrogateur sur son potentiel en plein air dans les festivals de cet été.
En off, Lucas - artiste jouant de la basse avec ses pieds - nous offre un blues-garage des bas fonds, tandis que Makali fait une prestation remarquée malgré la pluie. La douceur de leurs chansons et l’esthétisme ambiant ont su apaiser les mécontents. Armée de son accordéon, Yoanna a impressionné par son naturel - limite punk - et son humour décapant, le tout sous une frêle carcasse mais néanmoins sexy. Ez3kiel a poussé plus loin ses explorations en contrées rock avec un set efficace et carré où - malgré quelques problèmes techniques - les vidéos se sont révélées encore plus abouties qu’alors. (était-ce possible ?) The Hives a prouvé une fois encore que le pays d’Ikéa ne sait pas qu’arrondir les angles. Et si Cali harangue la foule avec les mêmes gestes dans une naïveté trop répétée pour être crédible, les punks suédois savent au moins cultiver un égocentrisme teinté d’humour. Le chanteur singe Mick Jagger, tandis que le guitariste se déhanche à la Elvis ou que le groupe lance à la foule une dizaine de baguettes de batterie et une trentaine de médiators. « Le meilleur groupe rock du monde ? » En voilà surtout un qui cultive le mythe avec un second degré désarmant.
Tout le contraire de Justice qui ont pour le coup le mérite d’avoir mieux jouer qu’à leur habitude et d’avoir été - historiquement - programmé trois années de suite. Mais est-ce suffisant ? Les basses saturent et grésillent au sein d’un groove imparable, mais trouvent leur limite dans le peu de générosité de ses protagonistes, cachés dans l’ombre de leurs amplis décoratifs. Au moins Vitalic rappelle l’énergie de The Hacker et se place en nouvel exportateur légitime de la scène électro française. Dommage que le lieu n’ait pas été à la hauteur de l’événement. Un final en trombe, loin des univers sexy et world de Rokia Traoré et Asa présentes le lendemain.
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