Mahu de Polynésie : rencontre du troisième type
Du peintre Paul Gauguin en passant par James Cook ou William Bligh (le cruel capitaine du Bounty), tous ont rapporté l’histoire de ces travestis masculins. Aujourd’hui rien n’a changé. Les Mahus, pour la plupart de Papeete, occupent toujours une place fondamentale au sein de l’archipel. Et seuls les touristes s’en étonnent…
C’est un faune typique de Polynésie qui attend sur place le vacancier. Etre Mahu, c’est un statut naturel, accepté et vieux de plusieurs siècles qui commence avec une éducation toute particulière pratiquée dès le plus jeune âge. Ainsi, les Mahus sont des hommes qui s’épilent, mangent à l’écart de la gente masculine, dansent, chantent et vivent avec les femmes. Côté sexualité, ils ont des relations charnelles aussi fréquentes qu’admises avec des adolescents. L’anecdote est d’ailleurs sans rappeler celle des jeunes grecs qui parfaisaient leurs connaissances du sexe avec des hommes d’âge plus mûr. Enfin, les Mahus sont majoritaires dans les métiers de l’hôtellerie, de l’enseignement ou du service domestique, car ils peuvent y pratiquer leur métier de façon travesti, efféminé et sans aucune discrimination.
Il y a bien sûr une face sombre à cette apparente tolérance : la prostitution. Mais afin de faire une distinction, on a appelé les Mahus s’adonnant à cet exercice des Rae rae. Un terme spécifiquement attribué par les occidentaux puis usité par les Polynésiens, pour qui la sexualité n’avait jamais servit à définir une identité. Encore moins celle des Mahus que l’on considérait jusqu’alors comme des êtres asexués. Depuis les années 60, ces créatures de la nuit hantent les hôtels miteux reconvertis en maison closes. Il s’agit une nouvelle fois d’une des conséquences du tourisme. Et même si beaucoup de Rae rae ne se contentent que de la fellation, il se cache derrière chacun des dollars gagnés le rêve de se faire un jour totalement opérer. Ainsi, nous sommes loin de l’image ancestrale du Mahu recommandé pour sa gentillesse, sa douceur ou ses dons culinaires…
Mais comment la Polynésie a pu voir l’apparition des Mahus ? C’est une question qui interpelle de nombreux sociologues anglo-saxons. L’anthropologue Robert Levy (Faculté de San Diego) y a vu un rejet des valeurs viriles et guerrières. D’autant que les Mahus sont dispensés de reproduction, de cérémonies religieuses et de sacrifices humains. Certaines tribus auraient donc eu recours au travestissement afin de maîtriser l’envolée démographique des îles. Niko Besnier (Université américaine UCLA) a intégré une dimension économique à cette thèse. L’anthropologue pense que la place grandissante de la femme sur le secteur tertiaire expliquerait cette tentative d’adaptation. Quoi qu’il en soit, les Mahus sont devenues de vraies stars, à l’image du chorégraphe Coco Hota-Hota ou Tonio, le chef de la compagnie Papara. Un bel exemple.
> Livre « Raerae de Tahiti » - François Bauer (2002)
> Documentaire « Le Mahu, l’efféminé » - Jean-Marc Corillion
Grand Prix du Jury au Festival International du Film Documentaire Océanien de Tahiti (2004)