Publié par Net Folies



En plein renouveau kitsch, on constate un fort engouement pour les films médiocres, surnommés « nanars ». Mais attention, le nanar n’est pas à confondre avec le navet. Un film que l’on surnomme « navet » est si mauvais que l’on ne peut pas en rire. Ici donc, on favorise le 2ème degré, préférant une soirée entre amis autour d’une véritable VHS, désertant les bornes automatiques et leur maigre choix arbitraire. Au menu : des invasions improbables de la Terre, des guerriers virils, des ninjas aux paroles philosophiques, des pouvoirs surnaturels ou bien encore des mutants cannibales surgis de nul part. C’est ce qu’on a communément l’habitude d’appeler le « cinéma bis ». Mais le nanar, c’est surtout un avis subjectif, car ces films constituent parfois un divertissement suffisant pour un public moins regardant sur la qualité. C’est aussi tout simplement redonner vie à des films que l’on croyait définitivement oubliés. A la recherche du film perdu… 



Tableau des classifications du kitch
Les nanars ne sont pas en voie de disparition. Certes, quelques érudits les ressuscitent pour des projections privées entres amis, tandis que d’autres les propagent sur Internet, mais ce n’est pas tout. En effet, les chaînes de télévisions ont habituellement recours à ces films « bas de gamme » pour combler le plus souvent une deuxième partie de soirée, voir un prime time en plein été. La trame est classique : vengeance personnelle ou lutte contre un monstre. Ainsi pour faire oublier les faiblesses du scénario, les producteurs ont la main lourde sur les combats, les explosions ou les fusillades. On reconnaît souvent par ailleurs le nanar à son titre atypique tel « Les cadavres ne portent pas de costards ». Les plus médiocres d’entres eux sortent directement en vidéos.

Dans les années 70, les films de séries Z étaient diffusés dans le XIIIème arrondissement de Paris. Ces cinémas, appelés Midi Minuit en raison de leur diffusion répétitive entre ces heures, étaient surtout un lieu de rencontres pour couples illégitimes ou trafics illégaux. On peut distinguer plusieurs catégories de nanars. Le genre post-apocalyptique fait généralement état d’un monde plongé sous le chaos et à la merci de brutes sanguinaires ou d’un système politique oppressant. Le problème  du film reste la pauvreté des moyens dont les traces sont visibles dans les décors : carrières, prairies, terrains vagues. Ce fut une spécialité italienne, tout comme l’heroic fantasy, faible imitation des super héros qui sonnera le glas du cinéma rital. Mais attention, les super héros ne sont pas les comics que l’on connaît aujourd’hui, mais bel et bien des visiteurs de l’espace, des mutants volontaires ou non, avec ou sans pouvoirs surnaturels. La ringardise a bien sûr sa place avec la science fiction, avec notamment de nombreuses invasions de la Terre par des extra-terrestres sanguinolents ou tout simplement peu crédibles. Dans « Invasion of the Saucer-Men », un couple va écraser en voiture un alien. Seule sa main survivra et attaquera le reste du village, distillant de l’alcool grâce à ses griffes (même une vache y aura droit).

« Si tu oses encore te repointer… tu peux être sûr que tu repartiras avec ta bite dans un tupperware. »

Pour les monstres, les japonais ont dominé très largement ces dernières années. Leur « Kaiju-eiga » (film de monstres) montre inlassablement ces géants ratissant des maquettes de buildings. Le reste des réalisateurs de la planète s’est contenté d’épuiser le catalogue des animaux potentiellement dangereux pour l’Homme. Les titres issus de ce glossaire sont d’une sécheresse créative affligeante, mais évocatrice : « Ticks », « Crocodile », « Cruel Jaws », « Shark Attack », « Arachnid », « Arac Attack », « Octopus », « Anaconda », « King Cobra », « Python », « Komodo », « Frelons » ou bien encore « Carnosaur ». Celui qui bat tous les records est « Mosquito », l’histoire logique de moustiques radioactifs de deux mètres qui attaquent les hommes. Durée du chef d’œuvre : 1h30.

Mais les nanars ne riment pas forcément avec une petite production et de faibles moyens financiers. En effet, de nombreux « blockbusters » peuvent intégrer cette rubrique. Il faut d’ailleurs constater un nombre très important d’adaptations de romans de Stephen King comme « Les Langoliers », « Cujo », « Dreamcatcher » (avec Morgan Freeman) où des vers vous tuent en sortant par l’anus, et « Maximum Drive » où les camions se rebellent et écrasent ceux qu’ils rencontrent. Le plaisir est à son comble quand ces camions humanisés vont justement réclamer du gasoil aux héros… 
Attention le film « Battlefield Earth » est lui aussi une grosse production avec un John Travolta décevant en méchant. Le scénario a été écrit par le gourou de l’Eglise de la Scientologie. Mais il ne peut pas être rangé dans le rayon « nanar ». En effet, le film est long et ennuyant. Pas de quoi en rire. A ranger du côté des navets avec Vercingétorix. N’oublions pas que l’appellation « navet » est une référence au goût fade du légume.

Classiques absolus : les films à la testostérone
Au panthéon des horreurs, le film d’action parait être le roi : péplums avec de somptueux gladiateurs et de jeunes vierges exotiques, ninjas  et adeptes du kung-fu en tout genre ou guerres vengeresses contre l’oppresseur (la plupart du temps non américain). Les combats suivent un même principe indubitable : on assiste à l’avancée du héro, 1 ou 2 méchants l’attaquent, une fois supprimés, d’autres apparaissent, et ce, jusqu’au combat final.

Le problème de ce genre, c’est que le réalisateur préférera engager un pseudo athlète reconvertit au lieu d’un comédien entraîné. On assiste donc à de nombreux dialogues réduits à de simples grimaces, des grognements ou des répliques machistes ponctuées par des explosions. Steven Seagal, Charles Bronson, Christophe Lambert, Jean-Claude Van Damme, voici par exemple des noms qui doivent quasiment tout aux nanars d’action. Notons pour exemple d’extrême ingéniosité des dialoguistes, cette tirade de Chuck Norris dans « Eliminator » : « Hey, chinetock…J’encule Mao et toi aussi. » Et une autre de lui dans « Invasion USA » : « Si tu oses encore te repointer… tu peux être sûr que tu repartiras avec ta bite dans un tupperware. » … Du grand art.  Un peu plus loin, nous pouvons trouver les films d’aventures où une bonne partie du budget a été intégrée dans les billets d’avions de l’équipe. Certes, le décor représente une véritable île paradisiaque, mais le reste des effets en souffrent. La plupart du temps, il s’agit d’explorateur-aventurier à l’assaut de monstres ou de trésors enfouis aux quatre coins de la planète.

« Le héro fait des étincelles quand il marche et comble de tout, il arrive encore à se battre alors qu’une hache est plantée dans son dos. »

Concernant les séries télévisées et les jeux vidéos, l’adaptation au cinéma n’a pas réussit à relever le faible niveau des originaux : « Mortal Combat » (avec Christophe Lambert), « Street Figther » (avec Jean-Claude Van Damme) ou bien encore les « Power Rangers ». La date du film importe peu dans sa classification. Les nanars se bonifient avec le temps, non avec l’âge. Parfois le nanar veut faire la part belle aux sentiments en mélangeant des déclarations et des intrigues mielleuses sur fond de moralité. Cette catégorie est talonnée par les films musicaux composés d’envolées lyriques ou de pas de danse hallucinants. Les films indiens sont de véritables bijoux en la matière : de véritables amours impossibles et passionnés à la Shakespeare. Par exemple, dans le film « Devdas », le bellâtre, faute de pouvoir retrouver l’amour de sa belle, meurt d’une cirrhose, alors qu’il s’agit d’un quiproquo. Dans « Ba-Ba », le héro fait des étincelles quand il marche et comble de tout, il arrive encore à se battre alors qu’une hache est plantée dans son dos. Et lors d’un coup de pied, la chaussure vient miraculeusement quitter le héro, taper le méchant, et revenir chausser le pied du protagoniste…

Non loin de là, guette le pastiche érotique où se cache les moustachus et les réinterprétations mauvaises qui ne sauraient, en aucun cas, vous susciter la moindre excitation. Quelques noms sont honteusement célèbres : « Flesh Gordon » (dont le vaisseau est en forme de vagin), « Star Trick », « Cyranus de Bergerac », « Super Vixen » ou « Super-nichon contre Mafia ». Bien entendu, les versions françaises sont à préférer, comme dans tout nanar, car au-delà des gags visuels la mauvaise traduction vaut parfois le détour. 

Parodies : un nanar peut en cacher un autre ?
Enfin, parmi les nanars, il y a bien sûr les parodies comme « Brain Dead » ou « Atomik Circus ». Les puristes sont ici partagés, car même si ces films réutilisent de façon volontaire les codes des nanars, doivent-ils être considéré comme tel ? Chacun a sa réponse sur le sujet. En tout cas, cela ne gâchera en aucun cas votre plaisir de regarder l’excellent « Killer Kondom » où un inspecteur mono testiculaire doit en découdre avec une armée de capotes tueuses sur fond de satire de la société américaine. Citons également l’excellente « Attaque de la Moussaka Géante » ou « Le retour des Tomates Tueuses ». Ce dernier étant l’un des tous premiers films de Georges Clooney. L’histoire loufoque d’un professeur fou qui met au point un procédé qui permet aux tomates de devenir cannibales. Le sort de l’humanité est ainsi confié à un livreur de pizza. Il y aura quatre épisodes de cette série au total, dont un seul édité en France. Les gags sont hilarants, la musique emploie des synthétiseurs des années 80 et les effets spéciaux sont volontairement ridicules.

Côté français, le « Grand Détournement » a marqué les esprits. Ce film des Nuls réutilise judicieusement une quantité d’archives hallucinantes. L’équipe a tenté de trouver une cohérence à ces juxtapositions en y ajoutant des doublages délirants. Côté acteur, les amateurs de nanars décerne la palme, toute catégorie confondu, à Bernard Menez. Mais hors de ces catégories se trouve le maître absolu du nanar : Ed Wood. En effet, son film « Plan Nine from Outer Space » a été élu le plus mauvais film de tous les temps par Harry et Michael Medved, dans leur ouvrage sur les personnalités les plus affligeantes du septième art. Ed Wood tournait avec de faibles moyens et bouclait ses films en moins d’une semaine. Dans ce film, on peut notamment apercevoir des enjoliveurs suspendus pour simuler une attaque extra-terrestre. Il comblait son amateurisme par une énergie juvénile débordante et inaltérable. Tim Burton lui a rendu hommage dans un film éponyme en 1994. Film qui a d’ailleurs reçu un oscar.


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