« Prisonniers de l'image » : les invasions barbares
Depuis près de 30 ans, les sociologues et les historiens s’interrogent sur la relecture de l’Histoire et le devoir de mémoire. Un sujet vaste qui ouvre le champ à de nombreuses interrogations, créant une émulsion artistique où chacun se réapproprie le sujet et propose son angle personnel. Certains événements se sont ainsi inscrits dans la conscience et la culture collective jusqu’à favoriser notre appétit insatiable pour l’image et les icônes. La société a désormais besoin de références visuelles pour alerter l’opinion publique ou l’inscrire dans les pages de l’Histoire. C’est dans ce cadre que le CHRD propose une confrontation sur le thème des représentations civiles entre les archives originales et leur réutilisation.
Le propos n’est pas de fustiger les journalistes pour l’utilisation de photographies sensationnelles à des fins mercantiles. Le débat aurait alors exclu toute notion d’information. Le thème de l’exposition est de bel et bien s’interroger sur l’apport culturel de ces tragédies. Un panel d’exemples significatifs est proposé : le triangle des déportés réutilisé par Attac, le groupe de rock Trust illustrant la pochette de son album « Europe et Haines » avec la photo d’un enfant raflé à Varsovie, les Twin Towers ou bien encore les publicités provocatrices de Benetton. L’exposition tente de démontrer le phénomène de répétition occidentale qui conditionne notre perception du monde et façonne nos repères.
Dans l'ancien siège de la Gestapo
L’exposition ne s’arrête pas à l’exemple de la Shoah et étend son discours des génocides africains, en passant par l’humanitaire-spectacle de Live Aid, jusqu’à la récente guerre en Irak. Une mise en scène édifiante qui montre l’implication dans notre quotidien de victimes civiles exotiques à travers les médias, la publicité ou les disciplines artistiques. Installée symboliquement dans l’ancien siège de la Gestapo de Lyon, l’exposition photographique prend alors tout son sens. Des codes couleurs délimitent judicieusement les axes abordés et des questionnaires facilitent sur place la compréhension des œuvres.
« Prisonniers de l’image » a été conçue par Philippe Mesnard, auteur de plusieurs ouvrages sur les représentations et la perception de l’iconographie de la Shoah , notamment pour un hors-série du Nouvel Observateur (décembre 2003-janvier2004). La mise en place a été élaborée par Laurent Keller, un architecte-scénographe qui a multiplié les couleurs et les angles pour faciliter le contraste et la proximité avec les œuvres. Une réussite.
LIEN
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