Christophe Crénel : « Faire de la musique, c'est être militant »
Ancien homme de télévision (Culture rock, Fanzine ou Plus vite que la musique sur M6…) passé longuement sur les ondes de Ouï FM, le francilien prête désormais sa voix aux lancements de W9 et anime une émission sur Le Mouv’.
Evolution du métier : « Même si tu appartiens à un gros médias, l’important est d’être un cheval de Troie : exploser le schéma de l’intérieur ! Regardez comment les bloggeurs obligent les pantouflards à aller sur le terrain. Pourquoi ? Parce que ce sont des passionnés, non des blasés. »
Industrie musicale : « Le système se devait d’exploser ! Journalistes passifs, monopole des labels, artistes s’auto-formatant… Aujourd’hui, au moins, tout est remis à plat ! Les médias se sont pris un coup de pied au cul et les grands modèles se sont scindés en plusieurs structures. Du coup, les maisons de disques se réorientent vers ce qu’elles savent faire : des gros hits ! Et les petits labels ? Ils maîtrisent davantage les outils... Voyez, les choses se sont un peu plus rééquilibrées, même si le nouveau modèle met un peu de temps à se mettre en place. Les paillettes, ça pervertit ! La crise a permis de les purger, de réfléchir. »
Scène française : « En France, on reste pas mal aidé malgré tout. Je refuse ce discours pessimiste ambiant qui voudrait qu’il n’existe plus rien d’excitant. C’est vrai que les Anglo-Saxons possèdent une dimension laboratoire, mais l’alternative existe : Phyltre à Avignon, Odezenne à Bordeaux, Disiz à Evry… Certains ne bouclent pas les fins de mois, mais, au moins, ils font de la musique pour les bonnes raisons. Même parmi les plus connus, d’Oxmo Puccino à No One Is Innocent et Stupeflip, la scène ne se porte pas si mal, notamment côté hybridation. Bien sûr, si on ne fait pas l’effort de chercher, on sombre dans la sinistrose… »
Contestation : « Qui a dit qu’il y avait besoin de guitares pour la subversion ? Les gens n’ont que Noir Désir en bouche… Pourtant, peu se rappellent que dès que tu leur tendais un micro, il n’y avait plus personne... (conséquences de leur paranoïa des médias) Je ne suis pas fan de ce militantisme « tous pourris ». Si on te donne la parole, prends-la ! Et, en la matière, l’électro et le hip-hop ont depuis longtemps repris le flambeau… Au fond, être militant, c’est peut-être faire de la musique, tout simplement. Exister, c’est tout. C’est déjà tellement dur d’en vivre... »
Internet : « Au début, tu te dis que le piratage c’est cool, mais franchement, je suis moi-même musicien. Ca me fait chier de voir des revenus potentiels partir en fumée par les temps qui courent… Alors, oui, je suis contre. Pas politiquement correct ? Peu importe. Et pourquoi est-ce que ça a aussi mauvaise presse ? Après quelques années de raccourcis démagogiques, notamment de la part de Pascal Nègre, les gosses ont envie de se rebeller. On peut les comprendre... Si depuis le début, on leur avait expliqué que ce n’est pas pour donner plus d’argent aux majors, il n’y aurait pas eu une telle habitude à la gratuité. »
Avenir : « Les petits labels ont bien compris qu’il fallait un contenu enrichi : achète mon album et tu auras des partitions, des bonus… C’est là-dessus qu’il faut miser. Il faut impérativement bichonner sa « fan base ». Et si ça oblige à repasser par l’artisanat, tant mieux ! »