Future of the Left : le meilleur est avenir
23 NOVEMBRE. Les ex-membres des groupes McLusky et Jarcrews venaient défendre les couleurs de leur dernier disque au Nouveau Casino (Paris). Une occasion rare et un événement en soi. Prouvant qu’en matière de rock alternatif, les Gallois n’ont rien à envier aux rosbifs.
Passons rapidement sur la première partie, Rise People, Rise ! : guitariste souriant et sincère, mais limité dans ses intentions ; bassiste impassible ; chanteur/batteur enrichi au bifidus british, confondant diaphragme et tripes (on a cru, au départ, qu’il était sourd…). Certes, l’ensemble comporte de bonnes trouvailles – notamment dans les montées –, mais le groupe trébuche en raison de la simplicité de ses riffs et ses improbables cassures. L’exercice semble hésiter entre différents visages et virages. Sacrifiant, au passage, une cohérence.
Il aura donc fallu quatre musiciens de Cardiff pour dégriser l’ambiance. Trois gars, une fille et de grandes possibilités. Assurant eux-mêmes une partie de leur installation scénique et excitant les quelques imbibés qui n’avaient d’yeux que pour la bassiste, Julia Ruzicka. Quatre Gallois, donc, qui ont compris que le rock pouvait autant être le terrain de jeu de l’autodérision que de la violence. À sa tête : Andy Falkous, ancien étendard de McLusky (1996-2005), ce groupe hargneux à l’impeccable succès d’estime. L’énergie hardcore y était déjà palpable avec chaud-froid entre les refrains, batterie folle, voix égosillées et tirades de branleur faussement égocentrique. Presque un trésor de guerre d’initiés.
Depuis, rien n’a changé ou presque. Exit barbe, monosourcil teigneux et formule en trio. Bonjour les polyphonies de fin de morceau. Les paroles sont toujours aussi acides/satiriques (les chahuteurs en feront d’ailleurs les frais). Le maître de cérémonie, hilare, charrie d’entrée – « Nous sommes les Kings of Leon » –, remerciant « l’énergie » communiqués par des fans au serre-tête rose fluorescent (mais acceptant d’en porter un en fin de concert), raillant Phil Collins et Le Pen, expliquant que le show fait partie d’un « plan extraterrestre pour dominer le monde » ou que les fans de Metallica ne devaient pas considérer son clavier comme « un instrument du diable ». Potache.
On aurait pourtant tord de prendre « Falco » à la légère. Sur scène, son corps est prêt à bondir, la guitare sur le genou et le cou tendu. Un éternel rictus en bandoulière, pendant que la bassiste mècheuse s’échine. Il faut dire que le souffle est rageur et impressionne dès les premières salves. Sentiment d’urgence, de puissance. Une charge noise, brute et massive, dont les fins de morceau arides renvoient dans les cordes. Illico. Prêt pour le round suivant. Pas étonnant qu’aucun sacrilège ne soit épargné (religions, institutions, société, groupes de rock FM…), le Gallois aux-yeux-fous ne respecte rien : 90 minutes intenses et puis c’est tout.
Passé l’envoutement, on peut avouer (sous la contrainte) qu’il n’y a rien de neuf dans ce rock qui s’avère pourtant être l’un des plus excitants de ces dernières années. Car authentique et sincère. Vif. Ce je-m’en-foutisme anti-star-system et réduit à son essentiel ne triche pas... Notons tout de même quelques absents notables à la setlist, même si le final fut à leur image : une lente agonie de décibels et un batteur essayant de clôturer jusqu’à l’épuisement, sa cymbale dans le public et ses fûts éparpillés sur la scène. Drôle, communicatif et… revigorant.
L’exemple à suivre, assurément.
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Photos : A.Marchand et J.Perez