Publié par Longueur d'Ondes


En remportant la 3e édition du Prix Musiques de l’Océan indien – auquel participait Longueur d’Ondes – l’artiste mahorais Bo Houss rappelle la dure réalité d’une scène francophone d’outre-mer qui peine à se faire (re)connaître.


31 mars 2011, Mayotte devient le 101e département français. Derrière la carte postale, un contexte social complexe : la seconde plus grande densité de population d’outre-mer, un pays devenu un orphelinat à ciel ouvert, une jeunesse qui manifeste régulièrement contre la vie chère ou encore une scène musicale partagée entre sauvegarde des traditions et influences internationales. Le tout ? Sous le silence général des médias de la métropole...

Conscient depuis une dizaine d’années de cette injustice – et du potentiel flagrant des artistes locaux qui manquent de véritables relais médiatiques et de distribution, le Prix Musiques de l’Océan Indien s’est voulu très rapidement l’écho de ces « oubliés ».

Créé en 2006 avec l’aide d’importants partenaires (Sacem, Fcm… puis désormais, et notamment, l’Adami), ce dispositif – dont les producteurs délégués sont Serge Trouillet (président de l'association Musik Océan Indien) et Brigitte Dabadie (gérante de la Sarl Presque Bleu) – s’attache à promouvoir, favoriser la diffusion et développer les œuvres de ses lauréats au-delà de leurs frontières physiques et psychologiques. Résultats : un maillage privilégié avec des festivals comme Sakifo, Timitar – Agadir, Othe, Babel Med, Fiesta des Suds, Musiques Métisses ou encore Milatsika. Une chance autant qu’une reconnaissance pour ces groupes issus de Mayotte, La Réunion, les Comores ou encore Madagascar qui peuvent ainsi se produire sur de grandes scènes et en dehors de leur microcosme…

Pourquoi précisément la scène ? Serge Trouillet répond : « Ces groupes manquent de confrontation. Il ne s'agit pas uniquement de question de moyens, comme des billets d'avion. C'est surtout une question de volonté, d’occasions. La confrontation permet de découvrir des possibilités, lesquelles font naître des envies, des audaces. » Serge sait de quoi il parle : collaborateur du festival Sigma, puis à la direction de l’Office artistique de la région Aquitaine durant quelques années, l’accompagnement d’artistes a une réelle résonnance chez lui…

Après la révélation de Maalesh (Comores) lors de la première édition du Prix, puis de Mami Bastah (Madagascar), ce fut donc au tour du hip-hop de Mayotte de bénéficier de coaching au studio des Variétés et de prestations en métropole. Pour Bo Houss, « cela tombe bien. En écrivant ce deuxième album, j’avais envie de crier quelque chose qui nous ressemble, comme une chronique de notre quotidien. Maintenant que Mayotte a un cadre – institutionnel –, il nous faut le remplir. L’accompagner… Si ma musique peut y participer en rendant compte d’une certaine réalité ou en insufflant un peu de citoyenneté… »


A travers l’exemple de ce rappeur de 27 ans, c’est une scène en devenir qui joue, un lien social qui touche également les îles environnantes. Les Réunionnais Kom Zot (signifiant « comme vous » en créole) et Mounawar, les Malgaches Teta et Mikea, le Mahorais Jimmy… Tous sont passés entre les mains du Prix Musique de l’océan indien. Le leitmotiv de cette « nouvelle musique world » s’ancre dans une authenticité, hésitant entre passé et futur, le local et le global. Des porte-drapeaux d’une cause pour les uns, d’une génération pour les autres que Serge Trouillet et Brigitte Dabadie tentent de médiatiser au-delà des clichés.

Justement, pour Serge Trouillet, qui suit attentivement les écoutes du jury (près de 150 formations sur deux ans), « on constate une augmentation du nombre de candidats. Cela prouve l’intérêt des partenaires privés/publics et du besoin de ces populations. Mais attention, nous ne sommes ni managers, ni producteurs. Notre mission consiste à étoffer leur carnet d’adresses et à offrir des outils pour rééquilibrer plus justement les forces. »


Avec l’obtention du Coup de Cœur de la chanson 2012 par l’Académie Charles-Cros pour Bo Houss, le Prix Musique de l’océan indien aura – on l’espère – prouvé à la métropole que la scène francophone hors Hexagone ne se résume pas qu’à la Belgique et au Canada…

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CONCERTS BO HOUSS
- 29 juin Festival Timitar (Agadir-Maroc)
- 11 juillet Les Suds (Arles)
- 13 juillet Francofolies (La Rochelle)
- 20 juillet Festival en Othe (Aix en Othe)
- 12 octobre Festival Milatsika (Chiconi, Mayotte)
- 20 octobre Institut Culturel de Madagascar (Tananarive)
- 9 novembre Le Kerveguen (Saint-Pierre, La Réunion) 
- 10 novembre Le Palaxa (Saint-Denis, La Réunion)




 

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