Rajery, prince de la valiha
Les studios de la Ruche, nouvel label de Rajery – maître malgache de la cithare tubulaire en bambou (sorte de harpe typique de la Grande Île) –, sortent un documentaire de 52 min. sur l’artiste. Intitulé « Le Prince de la valiha », ce moyen métrage sera notamment diffusé le 23 juin sur Le Mans tv.
Germain Randrianarisoa, plus connu sous le nom de Rajery, est un auteur-compositeur-interprète. Encore nourrisson, il perd l’usage des doigts de sa main droite. De son amputation restera l’envie d’en découdre avec la vie. Il aura sa revanche en apprenant seul à jouer de la valiha, à 15 ans. Béni des ancêtres et issu d’Indonésie, cet instrument évoque, de part ses sonorités, le clavecin, la kora ou la sanza. Idéal pour compléter l’apprentissage de la musique de Rajery, faite de chants religieux d’Ambahimanga (l’une des collines qui entourent Antananarivo, la capitale) et de musiques folkloriques des Hauts-Plateaux.
Avec son premier groupe Tsilavina, Rajery tente de s’affranchir de la tradition, et ce, dès le début des années 80, en dépoussiérant le genre. Comme une suite logique à cette tentative de rajeunissement, il crée en parallèle le plus grand orchestre de valiha, puis une semaine nationale consacrée à l’instrument. La notoriété l’aide alors à renvoyer l’ascenseur social aux enfants de rues, se positionnant même comme musicothérapeute.
C’est son deuxième album (« Fanamby » – le défi –, 2001) qui le fait connaître hors des frontières. Un disque acoustique, axé sur la fusion des styles (le salegy du chanteur Jaojoby – rythme populaire en 12/8 –, le blues des Hauts-Plateaux, les polyphonies a cappella ou encore le groove du rija – sorte de chanson populaire). Lauréat du Prix RFI Musiques du monde 2002, sa tournée passe par Paris, les Etats-Unis et l’Afrique australe.
En 2004, son album « Volontany » (couleur rouge de la terre malgash, symbolisant l’île) convoque un quartet de musiciens de jazz, lui permettant d’accéder au festival Chorus des Hauts-de-Seine ou encore la première partie de la chanteuse malienne Rokia Traoré. Rajery lance en fin d’année la première édition de son festival Angaredona (effort collectif). Objectif : faire la promotion de la scène locale. C’est lors de sa 3e édition en 2006 que le projet 3MA (Mali, Madagascar, Maroc) prend vie autour de Rajery, Driss El Maloumi et Ballaké Cissoko. Le résultat donnera, en 2007, un album enregistré à La Réunion.
2007, sortie du 4e album : « Sofera » (chauffeur). 2008, la tournée organisée dans le cadre de 3MA emmène Rajery dans près de 25 pays, dont la moitié du continent africain. Un second album collégial sort dans la foulée. Occupé par les multiples concerts, c’est en 2012 que l’artiste sort un nouvel opus solo « Tantsaha », lié à un projet de reforestation.
La sortie du documentaire est l’occasion de rappeler l’itinéraire de cet ancien fils des townships devenu prince bienveillant de la valiha. Comme le rappel d'une réalité oubliée : celle d’un pays embourbé dans l’indifférence internationale et les complications politiques. Une leçon sur la nécessité de survie d’un homme et de sa culture pour que subsiste l’espoir. Pour qu’existe un avenir.
(photo : Dominique Lagnous)
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