Pixies à L’Olympia… sans Kim Deal
Fallait-il donc que la mythique bassiste – ex-Breeders et éternel mouton noir du chanteur Black Francis – jette l’éponge pour que le groupe joue l’un de ses meilleurs concerts ? Troublant.
Pas de doute. Le quatuor de Boston a pris les choses au sérieux pour la promotion de sa nouvelle tournée : single inédit (« Bagboy », le premier depuis 1991) en juillet, E.P. supplémentaire à la rentrée – sorti dans une version vinyle contenant un t-shirt collector –, rediffusion de leur concert parisien sur Deezer, chouchoutage de la communauté de fans, voire carrément… un changement de line-up. Rien que ça. Avec, ironie de la situation, l’homonymie du prénom entre l’ancienne bassiste (Kim Deal) et la nouvelle (Kim Shattauck). Avouons que le hasard est taquin…
Au moins, la petite nouvelle – chanteuse du groupe californien The Muffs – aura eu le bon goût de ne pas reprendre le titre « Gigantic », symboliquement associé à son prédécesseur. Même sur « Where is My Mind ? » – titre peu aimé par le chef et expédié en deuxième position de la set list – les chœurs se feront discrets, laissant la part belle à une assistance inhabituellement réactive.
On le sait : les Pixies ne sont pas des bêtes de scène. Ils ne l’ont d’ailleurs jamais été. Peu ou pas d’interventions, statiques sur scène, rares réinterprétations des titres, playlist assez consensuelle… Pire : lorsque l’on se remémore leurs précédents passages en France (festivals Rock en Seine en 2005 et Vieilles Charrues en 2006, Zenith de Paris pour un spécial « Doolittle » en 2009) et une fois l’euphorie de la reformation redescendue, on ne peut conclure qu’à des shows tristes, interprétés en mode automatique à la limite du cacheton. Le tout porté par un groupe vieillissant, dont la moitié a pris du poids, l’autre ayant perdu ses cheveux.
Que s’est-il donc passé depuis pour que le groupe arrive enfin à réinsuffler quelques flammes à ses braises fumantes ? Nul ne peut le dire, même si l’apparente décontraction, suite à l’absence de la bassiste historique – dont les querelles internes auraient été à l’origine de leur première séparation –, fait douter. Ainsi, le 29 septembre, c’est un « In Heaven », aussi éthéré qu’étiré, qui ouvre un concert d’1h30… avec rappel. Toujours aussi peu de communication avec la foule, mais on surprend malgré tout deux sourires échangés entre le guitariste (Joey Santiago) et le chanteur (Black Francis). Anecdote assez rare pour être soulignée.
Surtout : on comprend, ce soir-là, davantage l’apport fondamental et mélodique de Santiago, guitariste solo que l’on aurait tord de réduire au rôle de simple accompagnant. Pas étonnant que le groupe entonne sa reprise de Neil Young « Winterlong ». Les feedback et autres larsens de Santiago lui sont dédiés. Idem pour la filiation avec Hüsker Dü (mais Kim Deal n’avait-elle pas été notamment recrutée sur ce critère ?) : les explosions et accalmies font toujours mouche. Celles dont, justement, Nirvana s’inspira ensuite.
De cette soudaine libération est née un répertoire plus bourru, anguleux et rageur. N'hésitant pas à aller chercher du côté des titres les plus physiques : « Planet of Sound », Rock Music », « Something Against You », « Vamos », « Ed is Dead », « Crakity Jones », « Broken Face »… Une aubaine ! Moins à l’aise dans les voix hautes, le maître se concentre ainsi sur qu’il sait faire de mieux : hurlements de fond de gorge et spoken word.
Preuve de cette détente, Joey Santiago joue même avec le public – le visant avec le manche de sa guitare. La bassiste, parfaite dans son rôle (et malicieusement plus éclairée que les autres) dodeline de la mèche, sautille légèrement et ne boude pas son plaisir. Quant au batteur, David Lovering, et malgré la brutalité de son approche, il continue à jouer incroyablement jazzy de la main gauche.
Bref, un set énergique, tourné vers l’avenir. Dont les cinq derniers morceaux (+ 3 inédits), servis en pointillés entre les singles, mettent fin à toute nostalgie. BIentôt 10 ans que la tournée de reformation jouait les redites, il était temps. Même le second concert, le lendemain, optera pas une autre set list… (ex : exit « Monkey gone to Heaven ») Avec tout de même en prime, témoins des combats menés : quelques sifflements en fin de concert. Signant la fin du match avant la reprise ?
On a hâte.