Publié par Rue89

Biopunk, DIYbio, biologie de garage, biohacking… Peu importe le nom qu’on lui donne, l’ADN pour tous arrive demain et pourrait bien connaître l’équivalent de la révolution micro-informatique. Mais pour contrer l’hégémonie de grands groupes industriels en la matière, des apprentis docteurs Frankenstein développent déjà en parallèle un nouvel underground libertaire.

Il se murmure que dans un futur proche, un amateur pourrait s’offrir tous les outils nécessaires au séquençage et à la synthèse de l’ADN. L’astrophysicien Freeman Dyson pense même que la création d’organismes vivants inédits pourrait devenir le loisir des enfants de demain. Nous n’en sommes pas encore là. Mais au vu du coût du séquençage d’un génome complet, qui valait quelques centaines de millions d’euros il y a 2 ans contre 3 700€ aujourd’hui, certains se mettent à rêver. The 6th Day, eXistenZ, Robocop, Jurassic Park, … Les films d’anticipations ont déjà débattu des diverses possibilités d’application de la biologie synthétique.

Le biohacking ne s’oppose pas à cette nouvelle ère biotechnologique. Bien au contraire, il lutte contre une potentielle dérive consumériste à la Monsanto. Pour se faire, les biopunks (ou biohackers) divulguent leurs connaissances de l’ADN sur la Toile et au grand public, afin que ce savoir ne fasse plus l’objet d’un monopole par les grandes entreprises pharmaceutiques. Une sorte de Robin des Bois scientifique, en somme. Mais les biopunks ne s’arrêtent pas là et vont jusqu’à expliquer comment réaliser à bas prix l’extraction d’ADN à base d’eau, d’alcool, de savon et de jus d’ananas, ou comment remplacer un four laborantin par un microcontrôleur disponible sur eBay pour 165€.

Ces actions pourraient presque être rebaptisées « Opération MacGyver ». Le héro eigthies a d’ailleurs prêté son nom à l’un des projets explicatifs du site web The Science Creative Quarterly.

Mais qui sont ces biohackers ? Pour le dictionnaire, ce sont des amateurs en génie génétique qui engendrent des espèces inconnues au fond de leur garage. Une définition restrictive qui sous-estime l’anticonformiste militant et libertaire qui se dégage de la démarche. Une majorité de ces membres proviennent en effet de grandes écoles comme Harvard. Le biohacking est ainsi envisagé comme un « Think tank » (laboratoire d’idée), sorte de Homebrew Computer Club - façon biologie synthétique - pour futurs cadres dirigeants. Et preuve de l’absence d’amateurisme et de cette volonté de démocratisation, ce sont également de grands noms du milieu de la recherche qui ont cosigné le numéro spécial de la revue scientifique Make sur le DIYbio (« Do it Yourself »).

Epicentre du biohacking, l’Institut Technologique du Massachusetts (MIT) a lancé le projet OpenWetWare, dont les résultats sont en libre accès. Au sein de ce projet, les participants créent et assemblent des « biobricks », des portions d’ADN prédéfinies dont on connaît les fonctions précises. A la manière des Lego, chaque nouvel assemblage offre un puzzle plausible et transposable à la réalité. Autour de ces biobricks, l’IGEM (International Genetically Engineered Machine) ou encore la revue io9, organisent même des concours pour créer de nouvelles espèces vivantes ou bactériologiques, jusque là inédites. Quant à la start-up Ginkgo Bioworks, l’une des premières du genre, elle rêve de concrétiser ces approches théoriques en créant une imprimante 3D pour biobricks.

Les OGM ou le clonage à la Raël, dont les débats suscités n’étaient finalement qu’un préambule, ont bien évidemment soulevé des questions éthiques, dont les répercutions sont encore perceptibles.

Que faire si cette connaissance de l’ADN, dorénavant accessible, est détourné au profit d’armes bactériologiques ou d’épidémies dévastatrices ? Roger Brent, le directeur du Molecular Science Institute de Berkeley, estime par exemple à 100 000 le nombre de personnes capables de créer de l’anthrax. Et la phobie qui en découle est déjà sous-jacente. Certains amateurs (ex : Mr Victor Deeb, retraité) ont vu dernièrement leur matériel confisqué par les autorités, alors que les produits saisis n’étaient a priori pas plus dangereux que ceux que l’on peut trouver dans une remise ou une cuisine.

Reste que, sous couvert de contrecarrer les éventuelles répercutions négatives de ces révélations, il ne faudrait pas pour autant stopper la recherche, en particulier concernant les maladies génétiques du type myopathie. Le risque de malversations existe, mais un veto du gouvernement (ou d’une religion ?) causerait ainsi peut-être plus de mal que le risque lui-même. Peine perdue. Il reste malheureusement dans l’inconscient collectif et celui des médias, l’idée d’un groupuscule  malfaisant (et crédible) digne des meilleurs James Bond. Un sentiment d’autant plus renforcé par la sémantique du mot biohacker, nous poussant à le confondre avec le bioterroriste.

De quoi alimenter, pour encore quelques temps, les futurs scénarios hollywoodiens…

SOURCES
> InternetActu