Zone Libre : en terrain conquis avec « Angle mort »
Rien que le nom : Zone Libre. A lui seul il laisse penser que le reste de l’espace est occupé par le rien, colonisé et envahi par le mercantile. Un hymne (un slogan ?) qui semble jouer les ping-pong avec un autre : InterZone.
Hasard ? Peu sûr quand on connaît le dénominateur commun, Serge Teyssot-Gay (Noir Désir), tant le guitariste semble redéfinir les territoires avec cette notion d’espaces, de limites, voire mêmes de frontières. Le tout envoyé par missive depuis une ambassade libertaire : le label T-rec.
En attendant le retour de la bande à Cantat en 2009, c’est donc « Angle Mort », 3ème volet ponctuant une trilogie sans épilogue, qui convie les rappeurs Casey et Hamé à l’offensive. L’album s’octroie pour mantra les échappées, les ruptures et les larsens. Des lignes de perspectives qui encadrent un huit-clos nocturne dont les âpres propos sont lâchés entre les dents. Morts ou vifs ? Qu’importe. Pourvu que l’intégrité soit là, quitte à endosser les guêtres du jusqu’au-boutiste, plutôt que s’avouer vaincus ou trahis. Car ici, on préfère les bang-bang rugueux et rêches au bling-bling méprisant. Définitivement.
Et afin de sortir Zone Libre de ses bombardements délicieusement bruitistes, qui mieux que le médiatique Hamé et l’androgyne Casey comme fantassins ? Quand l’une s’attaquait au passé esclavagiste de l’Hexagone, l’autre épinglait ses bavures policières en s’enfermant malgré lui dans un procès à rallonge pour diffamation. Des figures de proue idéales, en somme, qui ne s’embarrassent pas de sourire, notamment aux côtés d’un Serge Teyssot-Gay en apparence méfiant et introverti. Mimétisme parfait.
Car à ceux qui espéraient retrouver l’énergie propre au style de la fusion rock-rap (Run DMC, Rage Against the Machine, BO de Judgment Night, etc.), la colère est ici contenue. Cérébrale. (A la française ?) Certes, l’arithmétique saccadée et implacable du flow est autant de coups dans les gencives. Les mots percutent et s’essoufflent dans la respiration irrégulière du boxeur qui s’échauffe. Mais si brûlot il y a, c’est davantage dans la teneur des textes que dans sa diction. Davantage sur le fond que dans sa forme, s’apparentant à une relecture contemporaine de textes poétiques.