Publié par Rolling Stone magazine

TRANS MUSICALES 2022 : l’épreuve Rennes

44e édition tout de même pour le festival international de révélations musicales de la capitale bretonne, du 7 au 11 décembre. Avec une constance : son insatiable cofondateur et directeur artistique, Jean-Louis Brossard.

Les Rencontres Trans Musicales sont toujours restées fidèles à la promesse de leur nom… Car, si on retient davantage son adjectif “trans musicales“ (ce moyen d’y parvenir), on en oublie souvent sa première motivation... Son objectif. Pourtant, ce sont bien des “rencontres“ qui s’y jouent pendant 5 jours : « Des rencontres entre des artistes et un public qui ne les connait pas encore… mais aussi avec des professionnels du secteur ! », raconte fièrement son marionnettiste, Jean-Louis Brossard. Des rendez-vous plein d’espoir et d’attentes, donc, avec l’excitation des débuts, ses ratés prévisibles dus au surnombre de ses chapitres, mais surtout ses fulgurances à l’épreuve de l’Histoire : Björk, Ben Harper, Lenny Kravitz, Bérurier Noir, Noir Désir, Mano Negra, The Fugees, les Beastie Boys, Daft Punk, Stromae, Nada Surf… Tous s’y sont illustrés – parfois même à rebours (les fameux Nirvana, dont beaucoup – trop – prétendent avoir été spectateurs, malgré une prestation en-deçà qui ne laissait pas présager de leur avenir).
C’est dire toute l’importance des premières fois indélébiles, des “j’y étais“ devenus marque de notre temps, voire de la dimension prescriptrice encore et toujours de l’événement. Le tout, sous l’égide de l’inaltérable confiance de ses visiteurs… sans obsession pour une couleur musicale précise. « Ce mot “trans“, c’est autant la marque d’une pluralité des genres et des cultures, que l’émotion qui peut surgir individuellement, au sein d’un public lui-même protéiforme. » Fou comme l’abolition des frontières et des identités prend encore plus sens aujourd’hui dans une société aux tentatives de déconstruction, de plus en plus dématérialisée et au savoir dépassant la strate des générations. « Que ces rencontres se concrétisent ensuite, cela ne m’appartient plus... Mon but est d’en créer les conditions. Et l’actualité prouve l’urgence à maintenir des possibilités d’ouvertures et provoquer de nouveaux élans, sans nombrilisme… », philosophe le cofondateur.

Même les chiffres de l’édition restent intimidants : 23 lieux sur 5 jours, plus de 80 groupes et près d’une trentaine de pays ou territoires représentée. Avec des rendez-vous dépassant le simple concert : conférences, expositions, projections, actions culturelles (près de 400 à l’année), tournée d’artistes en région, formations… Voire même un volet citoyen : « Promotion des transports collectifs (soit 70% des festivalier·ères et donc 5 500 voitures en moins) ; prix d’entrée différenciés selon les publics ; don des denrées alimentaires non utilisées (en majorité végétariennes et d’origine française) ; ou encore la conversion en euros du CO2 émis en dons à des associations (60 000 €)… » De quoi obtenir en 2013 – une première alors en France pour un acteur culturel – la certification internationale ISO 20121.
Un parti pris volontaire qui s’explique par l’envie « de se renouveler », mais aussi de s’ancrer davantage dans son époque : « La musique étant le plus souvent l’expression populaire de la jeunesse d’un territoire – avec ses peurs, ses envies ou traditions –, il était légitime que la forme épouse le fond. »

Du haut de sa stature de baroudeur des anti-épicentres musicaux, Jean-Louis Brossard s’étonne tout de même que la presse (dont il est grand consommateur) ne « laisse pas plus de place aux nouveautés » ; que la réaction face aux désordres mondiaux (guerre, nationalisme, racisme…) se convertisse plus en énergie qu’en mots (« Les groupes ne font plus de la musique une question de vie ou de mort et s’enferment dans une logique album/tournée ») ; voire – sans préciser si c’est une victoire – que le rap et l’électro soient devenus « depuis quelques années la nouvelle variété ».
Lui, fier de remonter les flows à contre-courant, continue malgré tout à programmer. Avec cette année, notamment : des Ouïghours (None Sounds) ; la 1re venue d’un Tanzanien (Dj Travella) ; sans oublier les locaux à l’image des punks Dalle Béton (« qui en coulent vraiment une sur scène ! »). Rappelant qu’au-delà d’une nécessité de tolérance, de préparation de l’avenir et fort de ses éditions dédoublées (en Chine, Norvège, République tchèque, Russie…), le principe du festival de « newcomers » est évidemment exportable à quiconque a l’audace du travail de fond... Avouant surtout que ces découvertes constituent son éternelle Trans-mission.

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