Publié par Frenetic Arts


11 nominations aux Laurence Olivier Awards (Société des Théâtres de Londres), 7 aux Theatregoer’s Choice Awards (Prix du public) et 8 Tony Awards… L’adaptation du film homonyme et coloré de John Waters bat tous les records. Joué depuis octobre 2007 au Shaftesbury Theatre à Londres et depuis 2002 au Théâtre Neil Simon de Broadway, la comédie musicale a déjà généré plus de 135 millions d’euros. A quand la France ?


En 1962, la rondouillette Tracy Tumblad tente d’intégrer le casting d’une émission télévisée populaire, grâce aux conseils de ses amis black. Une love story naît alors de ce contexte où se mêle ségrégation, opposition white trash et société consumériste. L’histoire a ainsi tout de la fable universelle et intemporelle à la Bollywood, entre castes sociales et ethniques. Au sommet de ce mécanisme pyramidal subsiste des Etats-Unis 60’s en proie à un ennemi commun : la différence. Un antagonisme présent au sein de l’Amérique profonde, tant chez les prolétaires et les obèses qu’à travers une immigration non assimilée. La jalousie haineuse et les chants prennent alors prétexte à toutes les situations.

Meilleure comédie musicale 2007 ? Les critiques britanniques ne s’y sont pas trompées. Dans cette joyeuse récréation kitch et régressive, les décors sont criards, les sourires sont forcés et les mèches gominées comme tout épisode d’Happy Days sous acide. Très vite, on se laisse emporter par l’énergie communicative de l’excellent casting vocal, qui parvient même à en effacer la vedette. De la blonde arriviste en passant par la grosse rêveuse, le gentil black, le bellâtre timide, la mégère jalouse ou encore la frigide en éclosion, les personnages sont volontairement caricaturaux pour cloisonner les ambiances et rappeler la naïveté d’antan. La Soul, le Funk et le Big Band donnent des airs de boom déjantée - inspiré par le Buddy Dean Show - où les déhanchés et les claps dans les mains remportent allégrement la mise. Sans temps mort, le casting anglais est si parfait (dont un postiche de The Supremes) que l’on en vient à être profondément tatillon et guetter, en vain, le moindre faux pas. En prime, Michael Ball, le travesti anglais jouant le rôle de la mère de Tracy, apporte un décalage bienvenu et irrésistible, confirmant le second degré de cet ovni. Effet garanti, même chez les inconvertis du genre.

En France, et ce malgré les nombreuses récompenses, on peut se poser légitimement la question de savoir si une adaptation aurait autant de succès. Tout d’abord, la légèreté des paroles Soul et leurs traductions dans la langue de Molière pourraient malmener la tradition du parolier francophone en guimauve édulcorée. En effet, nos patriotes éprouvent le besoin - somme tout inédit en Europe - d’intellectualiser les œuvres à tout prix et de fuir toute culture populaire. Une méfiance qui ici devrait être plus accrue en raison du remake récent réalisé avec John Travolta. Ensuite, l’hexagone voue un amour particulier aux Etats-Unis dans son inconscient collectif, en particulier pour cette époque guimauve qui ne développe que peu de nostalgie chez les réfractaires de l’ère Elvis. Difficile donc de s’identifier directement dans cette ode à la tolérance et à la liberté dont la désuétude évoque presque l’imagerie gay. Enfin, les comédies musicales françaises peinent à décoller malgré leur qualité (Cabaret, Roi Lion) quand les mêmes adaptations sont jouées depuis des années à Londres ou Broadway. Et si les comédies françaises sont en France des tremplins, c'ets à l'étranger une récompense pour les acteurs expérimentés. Que l’on se rassure, dans ses références et ses faits, l’exception culturelle française existe et résiste toujours. Mais est-ce toujours un bien ?

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