[SEUL EN SCÈNE] Les rayures du Zebra
Avec le poids des années et à la vue de son one-man show Plus rien ne m'arrête, "caméléon" aurait sans doute été plus juste comme dénominatif pour DJ Zebra.
Enfant perdu de la campagne picarde, objecteur de conscience dans une radio catholique, bassiste de Billy Ze Kick et les Gamins en folie (on lui doit également le pont nasillarde de leur tube "Mangez-moi ! Mangez-moi !"), remixeur canaille (de nombreux mash-up – l'art de mélanger deux morceaux, souvent improbables – passés à la postérité) mais dont la pratique était néanmoins illégale, chanteur (accompagné d'un bagad ou en solo), puis aujourd'hui comédien... L'animal remuant a enchaîné les mues au grès des envies, mais aussi des déconvenues. Avec pour fil rouge : l'envie de reconnaissance, certes, mais sûrement la peur de l'enfermement.
Cette vie d'errance et d'audaces, Antoine Minne la raconte sur près d'1h30. L'artiste global revient ainsi sur ces quelques morceaux de vie (au sens propre, comme au figuré), mixant looses peu avouables, vinyles passés sur la platine et chansons rock'n'roll (intéressantes, par ailleurs) exécutées seul à la guitare... Une bibliographie en pointillés et protéiforme, à l'image de l'ex-dj (sa particule a, depuis, disparu). Ou la biographie d'un serial licencié qui a beaucoup vécu (Bercy, L'Olympia, les Francofolies, l'Élysée Montmartre, les Vieilles Charrues, Ouï FM et même Nirvana lors de son passage aux Trans Musicales de Rennes). L'occasion, surtout, d'offrir en filigrane une réflexion sur l'étrange besoin de catégorisation du public, la dépossession de son image et les difficiles reconversions inhérentes.
Parfois caustique, souvent sincère, c'est quand l'artiste cabotine ou s'échappe de son texte qu'il laisse apparaître une sincérité touchante. De celle qui hurle que tout le monde a le droit à une seconde chance. Et qu'un animal, quel qu'il soit, n'a pas (ou plus) à connaître la cage.
Jusqu'au 2 juillet 2017
Les dimanche à 19h45
> Théâtre Essaïon
© C. Crénel