BRNS : l'agit pop
En avril, l’énergique quatuor dévoilait deux titres de son second album, « Patine », à paraître cet été. L’occasion pour BRNS (prononcez « brains ») de rappeler que la pop sait parfois bazarder sa niaiserie pour épouser des aspects plus lunatiques. Ou comment créer une musique pour la tête et les jambes... Plus belge la vie ?
Retrouver les quatre Wallons-Bruxellois, en halte sur Paris et autour d’une bière française, a de quoi faire sourire... Ambiance carte postale pour touriste dans le coin d’une terrasse couverte, mais néanmoins humide. Un signe. D’autant plus lorsque l’on se rend compte que les levés de coude ont commencé bien avant le top départ du dictaphone (en guise d’hommage à d’autres frères d’armes*). Pas étonnant que ces gars, qui parlent le plus souvent d’une seule voix, jouent à tour de rôle les Manneken-Pis dans les pissotières du coin…
BRNS, c’est pourtant cette pop hagarde et élastique, sur les dents. Médiatisé d’un coup sec et spontané avec un titre imparable : « Mexico ». Du style à vous coller des coups de pompes et offrir quelques crampes à l’échine. Batterie bancale appuyée par des cloches, chant traine-savate qui s’accélère dans les refrains, hurlements jusqu’à la rupture… Les BRNS sont, dans la vie, moins teigneux que leurs tempos. Et la fulgurance de leur renommée tient également de leur réputée convivialité. Là encore, un cliché belge ? « On nous le dit souvent ! Pourtant on ne comprend pas pourquoi le Belge devrait être obligatoirement sympa… Nous, on ne l’est pas. » Rires de l’assemblée.
Et, quitte à être dans les raccourcis, si personne ne leur parle directement de Stromae (tout au plus dEUS), le sujet fait en tout cas débat chez eux. Ne serait-ce parce que le type qui gère les décors du proclamé « nouveau Brel » est un ami de longue date et, surtout, la personne qui a réalisé leur future pochette. Egalement au menu des redondances : les Anglais WU LYF, souvent présentés en miroir de ces Belges, et dont l’éternelle comparaison les lasse. Notamment parce que ces Belges estiment dépasser, à l’inverse, le simple effet de mode. Du moins, pour ces gars du plat pays, là est l’ambition : franchir le cap d’un titre écrasant et né d’un hasard, puis s’inscrire dans une continuité. Et ce, malgré leur look juvénile… « Effectivement, on nous parle souvent de notre âge », soulignent-ils. Précisant ne pas savoir pourquoi : « par rapport aux groupes anglo-saxons, nous ne sommes pas plus jeunes… Ok, on a commencé sans poil, mais nous avons eu, depuis, le temps de passer un master. » Humour tarte à la crème.
Justement, tiens. Eux qui ont comme compatriote le célèbre entarteur Noël Godin, quel groupe français rêveraient-ils de souiller par un attentat pâtissier ? « Plein ! Mais ne comptez plus sur nous pour arriver avec un M16 et flinguer tout le monde. On a vieilli. Par contre, on peut citer des groupes que l’on adore comme Papier Tigre et Von Pariahs... » Le temps d’un hochement de tête partagé, on savoure alors à rebours le titre de leur album à venir, « Patine », cette couleur que prenne les objets sous l’effet du temps. Comme une maxime. L’âge ne leur a pourtant pas rendu plus hargneux envers l’institution. Inutile donc d’espérer un « God Save The Queen » rageur, version roi Philippe de Belgique. Explications : « Nous pouvons avoir une forme de sympathie envers la monarchie. Cela nous fait plus rire que nous avons envie de la contester. En France, il y a une vraie idée de la République. Chez nous, c’est contradictoire : la liberté a été trouvé avec le roi – plutôt bon enfant, d’ailleurs –, même si, démocratiquement, on a pu bien sûr trouver mieux… » Nul besoin non plus de faire dans l’identitaire, revendication tenace entre Wallons et Flamands, ou d’apparaître dans les clips. Le propos est lavé de toute notion de territoire, d’appartenance. Une absence d’identification bien pratique pour conquérir l’international...
A propos d’influences, si on leur loue une ingénieuse digestion des productions concurrentes, le groupe prétend « n’avoir jamais été inspiré par les groupes croisés sur la route. Plutôt par les écoutes dans le camion de la tournée. » Mettant en avant leur camaraderie resté « intacte » et un processus créatif « collégial ». Ainsi, pour ceux qui ont pu tâter de leurs concerts inspirés et massifs – sans conteste leur plus grande force –, sachez que le nouveau set est « moins catchy et rentre dedans qu’avant. » Premier signe de la vieillesse annoncée ? « Ca reste malgré tout une vieille boucherie… », rajoutent-ils, hilares, transférant leur fameux « Mexico » au rayon vintage de leur arrière-boutique. Presque 2 ans qu’ils jouent leurs nouveaux titres sur scène, il y a de quoi prendre quelques habitudes… Et s’épargner la pression classique liée à un deuxième album, dont ils avaient « une idée très précise du son ». Ou comment faire du neuf avec du vieux, avec l’envie de reviens-y qui brûle les doigts. On les comprend…
* My Little Cheap Dictaphone, compatriote rock.
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