Publié par Longueur d'Ondes

 

4 mai 2012, Adam « MCA » Yauch (Beastie Boys) s’éteint à New York : cancer des glandes salivaires. De l’autre côté de l’Atlantique, rencontre avec l’un de ses fans, Mister Eleganz, leader du quatuor électro-rock de Rennes qui – en plus d’être l’un des meilleurs live du moment – vient de sortir un premier album survolté.


On a déjà dit beaucoup dans ces colonnes sur Success : sa découverte aux Bars en Trans 2007, les ex-Percubaba qui en composent les rangs, leur titre « Girl from New Orleans » repéré par le label RCA / Columbia UK, la délicieuse arrogance singée en live, la forte impression laissée au Printemps de Bourges, Art Rock, Marsatac, 3 Éléphants, Garorock… Mais rien sur leur filiation avec les Beastie Boys. Pourtant, à réécouter leur hymne « S.U.C.C.E.S.S. » de fin de concert, le parallèle est troublant... Etonnant pour un quatuor pas si hip-hop qu’il n’y paraît !

« Ce décès… C’est dur. Des membres du groupe, le hip-hop est l’unique socle commun. En 87, j’achetais Licence to Ill... Jo, qui me rejoint désormais au chant sur scène, a un flow naturellement rap. Bref, on fait du hip-hop’n’roll ! », raconte Yan, marionnettiste du personnage Mister Eleganz. Justement, cette composante détonne sur leur album Social Network Junkies, alors que le public a toujours tendance à les catégoriser électro-rock : « Le but était avant tout de prouver que n’étions pas qu’un groupe de live, mais crédibles en production », renchérit le chanteur. « L’album a été composé à l’inverse de notre habitude. Certains morceaux n’avaient par exemple jamais été joués en concert. 150 dates et 5 ans d’existence… C’est la fin d’un cycle. »

Et cet enregistrement, alors ? « L’arrogance doit se sentir en studio, alors qu’elle est si facile à mettre en place sur scène... Nous avons travaillé le son à l’Ubu de Rennes, histoire de trouver le bon endroit, la bonne résonance comme par exemple certaines voix enregistrées dans les toilettes », raconte Yan, hilare. « Nous avons déjà confié trois titres de l’album à remixer. Nous aimerions, en contre-pied, que GaBLé se charge de l’un d’entre eux. » L’ambiguïté, toujours. Presque un leitmotiv.

Car, même côté images, Success cultive le paradoxe : alors que l’album veut prouver que les Rennais ne sont pas qu’un (excellent) groupe de live, leurs vidéos promotionnelles ne sont illustrées que par des extraits de concert… « C’est vrai ! Mais, ce coup-ci, un vrai clip est prévu », rassure le frontman. « Nous cherchons juste LA bonne idée. Pire qu’un yaourt, il faut qu’il conserve une certaine longévité ! Trop de formations malmènent certains supports… » Perfectionnistes, on leur fait confiance sur ce point.

En terme d’images, la presse a d’ailleurs souvent inscrit les Rennais dans l’album de famille de Nasser et Minitel Rose… « Une erreur, selon nous. C’est pour ça que nous prétendons venir d’un endroit situé entre Detroit et Memphis… Nos affinités avec la scène hexagonale sont plus humaines que musicales. Nous avons ainsi du respect pour Didier Wampas, un type tellement gentil… De la pure schizophrénie ! » Logique : les deux protagonistes jouent régulièrement les pois-sauteurs. Véritables hyperactifs, ils savent faire de la scène un sésame. « Il y a une narration du corps. On se crée des cadres, des contraintes et on joue à l’intérieur. La démesure doit être au service du rock, pas l’inverse ! Arracher ses poils pour les donner au public, c’est un vrai don de soi… (Rires) », conclue le trublion.  

Pour autant, si chanter en français pourrait être une façon de mieux faire comprendre  son message : «  la démarche n’est pas encore naturelle.  Ce serait comme expliquer une blague ! Le show doit se suffire à lui-même... » L’Anglais n’est pas non plus un paravent au consensus mou. Bien au contraire, certaines paroles durcissent le ton, comme cet inédit en téléchargement gratuit sur la montée de l’extrémisme.

Mais l’Anglais est également un passeport qui leur a ouvert l’international. Et s’il n’y avait qu’une date à retenir, c’est la Chine : « Une plus grosse énergie qu’en France, même si le public passe son temps à te shooter avec son téléphone. Là-bas, mettre sa veste à l’envers (Ndla : scénographie utilisée lors de la chanson « The Psychoanalyst ») n’a pas la même résonance. Alors quand je me suis mis à cracher le gaffer qui me scotchait la bouche… la foule était hystérique ! » Tout est permis, sauf l’instrumentalisation : « On a joué en Birmanie, pas parce que c’est une dictature, car c’est subversif ! Faut que les gamins se mettent au rock, foutent le bordel. On veut faire pareil en Tunisie, même si c’est gratos ! Et Téhéran, Corée du Nord... Dire que certains refusent d’aller jouer à Toulon à cause de la montée des extrêmes. Nous, on aimerait bien y jouer tous les jours ! » Un engagement à la mesure des Beastie Boys avec le Tibet ? « Exactement ! » La boucle est bouclée…




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> Autre interview (2011)

 

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