Peaches : « Sinon, je leur suce la queue »
La chanteuse Peaches pourrait être assimilée au mouvement des années 90 : les Riot Grrrls (riot girls). C’est une forme de punk rock joué par des groupes américains entièrement féminins et féministes qui s’indignent des traitements machistes et de la domination de l’homme dans la société. Seulement, Peaches se refuse à rentrer dans un cadre. Cette reine de l’électrocrap mélange à la fois les provocations verbales et scéniques à un mauvais goût revendiqué. C’est tout simplement la seule chanteuse à qui l’on pourrait attribuer cette phrase de Fight Club : " On ne m’a jamais aussi bien baisée depuis la maternelle... "

Peaches distille de l’électro-punk dément à choquer plus d’un conservateur. Une diablesse ambassadrice des bas-fonds et d’un univers crasseux et négligé. Une musique assumée et organique sans le moindre complexe. L’artiste ne respecte rien, ni personne et à travers son exemple, c’est tout un symbole qui prend forme. La revanche et la rage d’une sorte de revendication. Peaches vous emmerde et vous le fait savoir. Elle s’impose au coude à coude dans une sphère que l’on dit masculine et prend la tête d’une rébellion anarchiste et féminine collant à la doctrine punk : " Fais-le par toi-même. " Une chef tyrannique et obsédée qui entend se faire respecter et se jouer des genres et des modes.
On comprend mieux l’univers de la canadienne quand on voit la liste des invités de ses albums : Iggy Pop ou ses compatriotes Gonzales et Taylor Savvy du label Kitty-Yo. La musique est dépouillée et ressemble même à de l’électro bas de gamme élaborée à la va-vite pour mettre en avant son univers. Pour les plus érudits, les mélodies ressemblent à celles d’anciens groupes comme ESG et Wire. Bien plus que Natasha, chanteuse du groupe rock français AS Dragon, l’ancien groupe d’accompagnement de Bertrand Burgalat, Peaches est la seule véritable fille spirituelle crédible du dénudé Iggy Pop. Son minimalisme laisse place à une réelle décadence où les codes sont inversés comme en témoigne la pochette de son album " fatherfucker " où la chanteuse s’est pastichée d’une barbe.
Peaches ose et s’impose en dominatrice et en totale contradiction avec les bimbos sucrées du R’n’B. Rien n’est lisse. Rien n’est beau. Tout est hormonal et déjanté. Les mélodies simplistes sont efficaces et entêtantes. Les paroles rappées sont hargneuses : " I’m the kinda bitch that you wanna get with " (" je suis un peu la chienne que vous voulez avoir "). Voici donc une concurrente et une candidate coriace aux clichés machistes. Une prétendante tenace et bisexuelle qui peut tout aussi bien vous déshabiller et vous violer, que vous coller une droite dans les gencives en déversant des insanités.
Sur scène : une femme sexuellement libérée
Peaches effectue généralement ses concerts dans de petits shorts moulants roses, enchaînant les pauses suggestives et les éructations perverses. Les paroles sont crues, sexuelles et parsemées d’hurlements obscènes. Les pires rumeurs et les légendes les plus folles circulent sur ses concerts, provoquant une euphorie et une curiosité accrue du public. Certains prétendent qu’elle se met nue, tandis que d’autres affirment qu’elle arrache ses vêtements. Une chose est sûre, c’est que l’ambiance est survoltée, agressive et tendue. Le jeu de scène est androgyne et improvisé. La chanteuse ne se gêne pas pour embrasser à tout va ceux qui passent à sa portée, pour fouetter le public avec son micro ou pour grimper aux échafaudages en se cognant la tête contre les projecteurs. Pire, elle se pare parfois sur scène d’un gode ceinture provocant.
La canadienne était présente en France en 2004 à la Route du Rock. Le festival se souvient encore de la clôture de cette deuxième soirée avec un son brut et animal qui en a déconcerté plus d’un. Peaches s’est énervée comme à son habitude, entre des guitares " heavy " saturés, des allusions compréhensibles de tous et une groove box Roland MC 505 des plus froides. On prône ici la ringardise et la facilité à attirer et détourner les foules. Les coups sont grassement et régulièrement autorisés en dessous de la ceinture. Il faut dire que l’artiste est rodée après avoir longtemps tournée en première partie de Björk et Marilyn Manson. Fin 2003, elle a même collaboré à l’album de Pink, après avoir refusé un duo avec Britney Spears qui tentait alors une tentative de récupération non déguisée du phénomène.
A côté de l’immense promotion étudiée, planifiée et martelée de Madonna, Peaches passe pour un vrai ovni punk. Sa présence et son succès grandissant énerve, sans jamais savoir si c’est du second degré, et fait passer la femme de Guy Ritchie pour une mormon dépressive atteinte de paralysie faciale. Peaches casse les genres, parfois avec maladresse, et tente d’inventer et non de recycler en revendiquant son côté spontané. Ici et là, le show est impulsif, instinctif et donc inégal, mais c’est un courant d’air chaud dans une industrie du disque sclérosée et calculatrice. Comble de tout, le répertoire électro-clash est quasiment inprogrammable en radio, compte tenu du caractère subjectif et subversif des paroles. Censure oblige. Et c’est tant mieux.

Côté photographies, Peaches n’hésite pas à se dénuder dans les magazines. Pas par esthétisme, mais toujours pas provocation vulgaire : poils pubiens, culotte moulante en gros plan, etc. Et impossible de démêler le vrai du faux dans ses interviews. On alterne entre : " Je n’avais rien pu enregistrer de sérieux. A chaque fois qu’on rentrait en studio, on finissait par baiser. " ou " J’ai pour habitude de payer les journalistes. Le reste du temps, je leur suce la queue. " La suite n’est qu’une compilation des positions du Kama-Sutra qu’elle affectionne ou des partouses auxquelles elle aurait participé. Elle peut également tout aussi bien ponctuer une interview en clamant à qui veut l’entendre, que le point G de l’homme se situe dans son anus. Une affection qu’elle adore honorer et stimuler chez son partenaire de passage.
Concernant sa comparaison facile avec le revival punk des " Riot Grrrl " comme Brassy ou Cristina Martinez de Boss Hog, l’intéressée répond violemment : " Elles, je leur botterais bien le cul. Je n’en ai strictement rien à foutre. PJ Harvey ? Ca c’est un compliment. Mais je préfèrerais lui baiser le cul. On a toutes les deux été énormément influencées par le blues. Comme si un noir s’était réincarné en nous. "
Mais Peaches, c’est tout de même avant tout un personnage et une image. Un brin de folie dans un monde qu’elle décrit comme puritain et qu’elle prend plaisir à choquer. La chanteuse n’a aucun tabou et aucune inhibition. Elle dit ce qui lui passe par la tête, consciente de l’effet qu’elle peut produire et provoquer. On a sans cesse l’impression que Peaches est seule, dans sa chambre, chantant nue à tue-tête des horreurs. C’est Mickey déguisé en Prince Charles au pays de Larry Flint qui se tape un des sept nains. Une suite de collages sans la moindre harmonie qui débouche sur un patchwork aliéné et irrévérencieux. Sans la moindre peur, elle a compris qu’exulter ses fantasmes et ses délires les plus déjantés plaisent, pour peu que l’on ne s’en lasse pas. Alors, à quand le tube ?
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