Publié par FJM Publications

Les années 80 ont été un âge d’or pour une grande majorité des milieux mercantiles. Comme en témoigne les délires et dépenses inconscientes dans la publicité, il s’agit de l’explosion même d’une nouvelle société. Ici et là, on joue les « sans poches » sans se soucier de ce que pourra penser les féministes et les comptables. Le profond symbole de cette douce décadence, dont l’attrait pour l’argent et le pouvoir avait autrefois précipité l’Empire romain, est le royaume des bimbos : le clip.

Définition
Le clip (ou vidéo-clip et en anglais music video) est un film de courte durée destiné à illustrer la musique d’un artiste pour en effectuer sa promotion sur les supports permettant sa diffusion visuelle, comme la télévision. En général, il dure le temps de la chanson qu’il accompagne, soit entre 2 et 3 minutes. Certains artistes n’hésitent pas à rompre les conventions et offrir une version plus longue agrémentée de bonus musicaux où se mêle la danse, ou bien des dialogues narratifs. Avec le temps, ce terme a évolué et peut s’avérer être une appellation peu flatteuse se référençant à un esthétisme trop léché ou un montage épileptique des séquences.

Once upon a past : chronologie
L’illustration de films avec de la musique est antérieure au « cinéma parlant », car même les films muets étaient sonorisés. Au début des années 60 en France naît le Scopitone. Il s’agit d’un juke-box accompagné d’un projecteur cinéma au format 16 mm qui reprend le concept de son équivalent américain 20 ans plus tôt : « les soundies ». Pour un prix comparable à nos 6 euros, et donc supérieur à un place de cinéma à l’époque, les clients des cafés pouvait regarder les interprètes yé-yé chanter en play-back pendant 3 minutes. Ce procédé a aussi eu beaucoup de succès dans le Maghreb, au Canada et aux Etats-Unis entre 1962 et 1965. Il est issu d’une technologie de projection déjà utilisée pendant la Première Guerre Mondial. En France, ce sont notamment Annie Cordy, Johnny Hallyday et Claude Lelouch qui en ont profité.

Du côté de l’Angleterre, les films des Beatles (comme de nombreux artistes pop) constituent les prémices des premières compilations de clip. Le groupe avait choisi d’interrompre ses tournées et de se lancer dans cette démarche innovatrice. La télévision commence également à s’intéresser au phénomène et organise des rendez-vous comme Top of the Pops, désormais repris actuellement par France 2. A la fin des années 70 apparaissent des films mélangeant la musique et la théâtralité comme le Rocky Horror Picture Show. La saturation de la bande FM participe par la même occasion au fort engouement. L’industrie du disque cherche quant à elle un nouveau support à développer.

L’avènement du clip vidéo est sans conteste lié avec la création de la chaîne MTV (Music Television) en 1981. Elle inaugure son antenne avec le symbolique « Video Killed the Radio Star » des Buggles. Ce sera le fond de commerce de la chaîne durant plusieurs décennies. Ce qu’il faut d’ailleurs noter, ce sont que les majors ont au départ longtemps marqué leur opposition à la diffusion de noirs à l’antenne. Heureusement, le responsable de MTV a été très clair dès le début et a ainsi contribué à l’émergence d’un certain … Michael Jackson.
Par la suite, la chaîne française M6 se consacrera également en grande partie aux clips, tandis que le reste du paysage audiovisuel se contentera de TOP 50.

His story : les moments anthologiques
L’un des premiers clips clairement défini et annoncé comme tel est celui de Queen avec « Bahemian Rhapsody » dans les années 70. En plus d’une structure musicale originale mariant l’opéra, le rock et le piano, le groupe anglais se lance également dans le film court à usage promotionnel. Une véritable innovation encore absente de blondes pulpeuses et de changement de plans en coupe franche.

Le clip « Thriller » de Michael Jackson a marqué le genre avec un format inhabituel de 14 minutes, filmé en 35 mm, un support réservé aux films. L’artiste ne se contente plus d’un filmer une chanson et va jusqu’à modifier sa mélodie initiale pour renforcer la narration du récit. En effet, les couplets sont enchaînés et le refrain se situe à la fin du court-métrage, en pleine apothéose et effervescence de danseurs. Cet événement marque une évolution dans le clip où l’image ne sert plus de faire-valoir et où désormais on ne parle plus du dernier titre, mais du dernier clip.

Marketing : du prêt-à-rêver
A travers une stratégie publicitaire clairement avouée, on a tenté de créer des icônes. L’émergence de grands pôles médias a ainsi favorisé la reprise des images et façonné l’imaginaire collectif. C’est le début d’une communication à grande échelle où il ne fallait plus se satisfaire uniquement du son, mais adopter et contrôler l’image. Car le clip est un exercice artistique, mais au profit de la promotion. L’explosion des clips n’est rien sans l’avancée de la technologie. Les nouvelles possibilités de montage et les effets numériques vont permettre de travailler l’identité narrative. Certains artistes se sont clairement opposés dès le départ. C’est par exemple le cas du groupe Dire Straits dont le titre « Money for Nothing » (comprendre : de l’argent pour du vent) était un gentil pamphlet contre le style. Ironie du sort, la chanson deviendra un des clips de la chaîne MTV.

Généralement chaque choc visuel correspond à une percussion et à une politique marketing. Peu de maisons de disques veulent s’aventurer dans une profonde expérimentation. Il est à noter qu’un clip nécessite une journée de mise en place, une autre de répétitions, une dizaine d’essai pour obtenir le résultat final pour un coût d’environ 300 000 francs. Un total sans comparaison avec les productions anglo-saxonnes. Quelques grands réalisateurs ont fait leurs armes en commençant par la création de clips musicaux. On peut citer aisément Michael Bay, Alex Proyas, David Fincher, Guy Ritchie ou bien encore David LaChapelle. A ses débuts, le clip a d’ailleurs eu du mal à se démarquer du dictat cinématographique. Il lui a fallu inventé ses propres codes et sa propre grammaire. Désormais, c’est le clip qui peut influencer la publicité ou le cinéma, notamment tout d’abord par son vecteur de la culture urbaine. On a pu constater son omniprésence dans l’œuvre de réalisateur Quentin Tarantino ou bien celle du français Jan Kounen.

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