La Phaze à la Maroquinerie : Paris réussi
Depuis des années, les ex-angevins ont prouvé leur rare éclectisme, tant sur le front musical que sur celui des idées. Un appétit protéiforme qui signe ici une apnée proustienne en terrain juvénile. Slogans politiques, pogos, slams dans la public, foule sur la scène, le torse nu et miellé aux effluves virils, … Pas de doute, nous voilà revenu de plein fouet dans toute l’authenticité et l’intensité des années 90. Enfin.
Rien n’a changé. Et c’est bien la première fois que l’on pourra s’en féliciter. L’humanisme victorieux comme étendard, le trio de Dammy Baluteau a su une nouvelle fois réveiller un novembre bien polaire. Pourtant le mélange avait, comme toujours sur le papier, de quoi étonner les derniers curieux. A cause du style tout d’abord : le pungle. Une ratatouille épicée à la jungle, la drum’n’bass et le punk. Loin d‘être indigeste, la mixture démontre rapidement sa cohérence, prenant au contraire à bras le corps les références, des Clash jusqu’aux Beruriers Noirs, pour devenir un brûlot. Ou comment réaliser une synthèse énergique des différentes cultures et styles, comme si les époques n’avaient retenu que le sentiment d’urgence de sa jeunesse. Si l’esprit rock est une religion, La Phaze apparaît alors comme l’une de ses propagandes les plus patriotiques.
De cette identité multiple, le trio en décline une écriture fiévreuse et alerte. Une rage mise au service de plaidoyers en faveur de l’euthanasie, puis contre la guerre, le réchauffement climatique ou bien encore la culture de masse, sans jamais transformer ses protagonistes en hommes-sandwichs. C’est également un prétexte à la spontanéité autant qu’une ode à la liberté, ce qui explique pourquoi ces hymnes inspirent. Des barricades jusqu’aux dancefloors, la tension et l’unité sont perceptibles. Tatouage Vs grosses lunettes, le sucré-salé de leur musique est même physique. Sur scène, le chanteur sautille nerveusement, harangue, l’œil à vif et le corps tendu, tandis que son guitariste joue en dilettante. Une attitude cool et un « Do it yourself » dont l'aura semble puiser ses galons dans l'expérience. A l’image d’un public entre rockeurs endurcis au houblon et adolescents aujourd’hui en manque d’action.
Le concert s’est clôturé sur Nevrax et Rouzman. Leur formule break beat / hip-hop fut d’une redoutable énergie, prolongeant la joyeuse hystérie de l’ensemble. Une batterie, deux platines… et voilà que la révolution renaissait des cendres encore chaudes de son précédent combat. L’ensemble n’est pas qu’un simple hommage. Il a su s’en approprier les codes et les valeurs dans un style direct et efficace. Droit au but. Corrosif. Comme si, en sortant de la salle de concert, la foule allait retrouver un Kurt Cobain pas encore suicidé ou bien croiser les Thugs au comptoir du coin, avec l’insouciance qui nous était propre. Et les envies d’avenir, cuir sur les épaules et Doc Martens aux pieds, en guise d’éléments de reconnaissance.
En définitive, ce ne fut pas le concert le plus beau de l’année, mais de loin celui le plus vivant. Il était temps.
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