Publié par Libertalia-Music

Silo Andrian : des blues notes au blues-rock

Il y a des musiques qui se révèlent et s'illuminent au regard d'un contexte. Des artistes dont la création est indissociable de leur environnement ou de leurs origines. C'est le lot des démarches naturelles et spontanées, digestion d'influences inconscientes et du savoir-faire avant le devoir-penser...

Silo (prononcer « Silou ») Andrian est de ceux-là. De ceux qui n'expliquent pas leur démarche, mais la vivent. N'ont connu que ça et la remettent souvent en perspective(s). Échappatoire, diront les uns ? Miroir, corrigeront les autres... Il n'empêche que le multi-instrumentiste malgache, l’un des plus prolifiques d’Afrique, est à l’image de son île.

A commencer par le métissage : Madagascar est l'un des rares pays – avec la République dominicaine – où la population dominante est celle issue d'un brassage. Une identité plurielle revendiquée. Un véritable tarmac entre Afrique, Asie et France du passé. Ce métissage, Silo en est originaire autant qu'il le pratique. Jazz éclectique, tempo chaloupé, soul des bas-fonds ou hip-hop haut de plafond, son premier album en 2001 a tout d'une odyssée... Le tout ? Ecrit à Tuléar, au Sud de Madagascar, avec musique de brousse, nomades de la mer (les Vazo) et ceux-qui-vivent-dans-les-épines (les Antandroy) comme compagnons... 2012 : retour à la capitale pour la réalisation de son second, défrichant des travées électro jusque-là inexploitées. Ou comment traditions et modernité jouent les traits d’union.

Pas étonnant que son premier groupe (SDF pour « Simple Defiance of Fancy ») explora de façon inédite la fusion, additionnant paroles crues, funk et phrasés, rap dépouillé et reggae. C’est selon. Les styles musicaux ? Un outil comme un autre au service d'un trop-plein de créativité, virevoltant au gré des humeurs comme il jongle entre les instruments. Silo n'avait alors que dix-sept ans... Car vivre dans l'un des pays les plus pauvres et corrompus du monde a de quoi pousser à la précocité. Fils d'un professeur et compositeur, Silo commence le piano à huit ans. A dix, il se produit à la télévision nationale. A onze, il remporte le concours de jazz Rotary jeune talent. Dès quatorze, le semi-professionnel accompagne déjà des formations allant du tout-venant à la variété...

Soit une carrière d'une trentaine d'années pour un âge dépassant de peu les quarante unités. Un entre-deux lui permettant de tutoyer les grands. La saxophoniste réunionnaise Céline Bonacina, le bassiste mauricien Linley Marthe, le pianiste cubain Omar Sosa, le trompettiste parisien Nicolas Folmer, le batteur ivorien Paco Sery ou encore le guitariste suisse Stephan Eicher… Sur disque ou en tournée (dont les Etats-Unis) : il les a accompagné. Mais son âge trompeur lui offre aussi un statut de grand frère. Doté d’une oreille absolue et arrangeur hors-pair, le multi-instrumentiste a accompagné la plupart des artistes locaux émergents. Et possède, là encore, en commun avec son pays : la modestie. Prétextant ne plus se souvenir de tous les musiciens ayant ponctué sa vie.

Aujourd'hui, et grâce au label Libertalia-Music, Silo est un repenti pratiquant le power-rock binaire. Y découvrant enfin son sauf-conduit avec, dans le rétroviseur, du salegy (rythmique 12/8 dont le pulse est variable suivant les régions). De quoi acquérir une nouvelle dimension scénique, trouvant dans le style un cadre plus souple, presque élastique. Groove d'une bassiste sexy à souhait, couplets blues affûtant ses riffs, flow saccadé et chanteur habité... Sûr que c'est malgache, ça ? Du jamais vu là-bas, en tout cas. On comprend pourquoi Silo a survolé la sélection du Iomma, marché des musiques de l'Océan Indien, devant les professionnels d'une vingtaine de pays ! Le voir pour le croire, en attendant son nouvel album fin du printemps 2016... Tout est dit.

Des blues notes au blues-rock, il n’y avait qu’un pas, ici franchi.
Méritant sa reconnaissance internationale. Tout comme son pays…

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