Publié par Rolling Stone magazine

2022 : highway two Hellfest (le off)

Fin mai, le festival de Clisson palliait l’annulation de sa 15e édition par une session d’enregistrement de 21 groupes de rock/metal pour une expérience immersive et digitale… à laquelle nous étions le seul média invité.


Surprise à l’arrivée sur le site du festival : aucun badaud n’est amassé aux grilles, exceptionnellement fermées pour l’occasion. Même les techniciens semblent incroyablement sereins… Tout juste peut-on apercevoir quelques haussements d’épaules d’habitants, loin de s’imaginer que le volcan local est proche de l’éruption. La terre gronde pourtant à chaque balance et les jets de flamme ont repris leur danse depuis le cratère du Champ Louet, là où les vignes du Muscadet avaient encore cité il y a quelques années.
Près de 200 personnes travaillent sur le projet : la team Hellfest, Clack, Arte et Sombrero Films côté vidéos, auquel ajouter les 21 groupes (en majorité français) et autres prestataires... Un ressac humain étalé sur 20 jours de tournage (montage et démontage compris) qui ne passe pourtant pas inaperçu : preuve que la ville – aux bientôt 8 000 habitants – s’est habituée au bal de chevelus tatoués et où les cris d’orfraie de fondamentalistes religieux ont été depuis couverts par ceux de gorge des groupes invités.

Ce 26 mai, nous assistons à la journée d’enregistrement de No One Is Innocent et de Tagada Jones, dont le set des premiers est clôturé par le duo “What The Fuck ?“. Deux ans après l’interprétation du même morceau sur la mainstage du festival, une répétition est recommandée pour laisser parler la mémoire des corps. En coulisses, les régisseurs font des doubles de la setlist et VX – du groupe Punish Yourself, venu exhumer un vieux morceau des Tagada sur scène – raconte comment, lors d’un Hellfest, il s’est brisé 6 côtes en atterrissant sur la barrière de sécurité, tout en assurant la fin de ses morceaux. Ambiance vieux combattants.

Dommage que le set des No One soit réalisé en plein jour : leur lighteux fait habituellement des merveilles… Qu’importe : le groupe a beaucoup réfléchi, lors de sa précédente tournée (clôturée juste avant la pandémie !) à sa scénographie. La prestation s’en ressent : en plus de dévoiler de nouveaux morceaux, No One trompe l’absence de public en resserrant les rangs. Si le vide ne permet pas de mesurer l’impact de ses coups, les regards ne trompent pas : on assiste à un moment d’authenticité avec ses manques de souffle et ses visages déformés par la fatigue… L’envie de rejouer est palpable.

Il est 1h du matin quand les Tagada s’élancent sur scène. Les retours ne permettent hélas pas d’apprécier toute l’ampleur du son (on n’entend pas, par exemple, la guitare du chanteur), mais le grain apporté à la vidéo rend l’image très belle... Quant aux nouveaux morceaux, issus de l’album sorti fin octobre, ils s’intègrent bien à l’ensemble de la setlist...

La 1re partie du concert est encore un peu automatique, et ce malgré les répétitions au Jardin de Verre de Cholet quelques jours avant... Quant aux Bidons de l’An Fer présents, si la dimension visuelle est un vrai plus, l’apport mélodique est peut-être un peu superflu : la troupe appuie surtout la rythmique plutôt qu’en perturber la narration... Mais c’est vraiment dans sa 2e partie que l’exercice prend enfin ses aises. Avec une explosion de rire de l’assistance quand le chanteur Niko demande aux spectateurs de faire voler leurs coussins... Moins punk, tu meures ! L’équipe technique charrie à distance en imaginant de futurs t-shirts avec la citation.

Débriefing en sortie de scène : Niko regarde l’intégralité du set avec l’équipe technique pour déterminer les éventuelles retouches sur le son avant diffusion… Il doit être 3h30 du matin quand la troupe décide de rejoindre le bar des bureaux du Hellfest. L’ambiance est enthousiaste et la soirée se clôturera à 11h du matin entre deux parties de babyfoot.

Mais au-delà de l’exercice (on conseille les lives de Pogo Car Crash Control, Karras, 7 weeks et Hangman’s Chair), on retiendra surtout le besoin sans cesse de se renouveler du festival pour exister. Pourtant leader (statut qui implique trop souvent de ne plus se questionner), l’événement continue au contraire – en raison du genre musical proposé ? – d’agir en outsider… Pour preuve cette carte interactive, qui a nécessité 800h de développement et une dizaine de serveurs pour l’héberger, dans laquelle papillonner virtuellement entre lives, animations partenaires et tutos cuisine décalés. Du jamais-vu parmi les leaders français et une belle récompense post-diffusion avec un million de vues globales.
L’annonce concomitante de 4 jours supplémentaires en 2022 (déjà surnommés « l’affiche du siècle », avec près de 350 artistes sur 6 scènes), en plus de l’édition 2020 reporté sur le week-end précédent, atteste autant de la reprise du secteur que la réhabilitation de musiques amplifiées que certains voyaient enterrés... Restera à questionner, face à une concordance des temps impossible à renouveler et une scène vieillissante, si l’édition 2023 n’apparaîtra pas comme un doublon en-deçà... Ne boudons pas notre plaisir : pour l’asso, ce n’est pas comme si c’était le premier défi à relever… Hourra !

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* HELLFEST part. 1 : 17-19 juin 2022 

* HELLFEST part. 2 : 23-26 juin 2022
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